Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

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Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

mardi 28 mai 2013

É.D.I.T./72-2013 Conseil municipal--Prière--Légalité

   1. Extrait du Bulletin de nouvelles de Radio-Canada du 28 mai 2013 :
«Prière à Saguenay : une victoire historique, selon Jean Tremblay
Le maire de Saguenay, Jean Tremblay, est très satisfait de la décision de la Cour d'appel du Québec qui annule le jugement du Tribunal des droits de la personne interdisant la récitation de la prière lors des séances publiques du conseil municipal. En conférence de presse, mardi, il a affirmé qu'il s'agit d'une « victoire historique qui vise à protéger nos droits, notre culture, notre patrimoine ».
La décision d'une quarantaine de pages conclue que la récitation d'une prière au début des séances publiques du conseil municipal de Saguenay ne compromet pas la neutralité de la Ville. Le tribunal ajoute qu'il n'existe pas de conflit véritable entre les convictions morales du plaignant, Alain Simoneau, et les manifestations religieuses.
« Je n'ai jamais hésité à dire que j'ai la foi, que je suis catholique, souligne Jean Tremblay. Je n'ai rien imposé. La prière au conseil municipal, c'était celle que l'on fait depuis plus de 100 ans à Saguenay. Ce n'est pas moi qui l'ai introduite. Et les objets religieux étaient déjà en place avant que j'arrive. »
L'avocat de Saguenay dans le dossier, Richard Bergeron, se dit très satisfait du jugement. Il indique que Saguenay a remporté une victoire sur toute la ligne, puisque la cause du Mouvement laïque du Québec et d'Alain Simoneau a été rejetée.
Le jugement confirme aussi, selon lui, que la Ville n'a pas contrevenu à la Charte des droits et libertés de la personne.
Par ailleurs, Me Bergeron reconnaît que le juge Guy Gagnon invite le maire à une certaine réserve dans l'expression de ses convictions personnelles dans sa fonction publique, même si cela n'était pas l'objet de la cause entendue.
« Il faut faire la nuance entre l'homme personnel, sa fonction et ce qu'il représente et la cour lui a presque suggéré d'être assez prudent dans l'expression de cela. Ça peut se faire de n'importe quelle façon. Je crois que c'est correct aussi. Il faut tenir cette ligne maintenant dans l'espace public. » — Me Richard Bergeron, avocat de Saguenay
Inquiétudes pour Djemila Benhabib
son côté, l'ex-candidate du Parti québécois qui a eu un conflit sur la question de la laïcité avec le maire durant la campagne électorale, Djemila Benhabib, est attristée et inquiète du jugement de la Cour d'appel.

Elle estime que la décision est un net recul pour la société québécoise, un retour aux années 70, avant que René Lévesque invite chacun à prier de façon personnelle.

Mme Benhabib craint maintenant que le jugement ouvre la porte à tous les accommodements. « On ouvre la porte à des demandes venant des minorités religieuses et des minorités culturelles qui vont se saisir de cette occasion pour demander eux aussi qu'on récite leur prière. Il me semble qu'on se dirige vers le cas de l'Ontario, en ce sens qu'on ouvre les séances du Parlement avec une récitation de six, sept, voire huit prières », déplore-t-elle.»

2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Saguenay (Ville de) c. Mouvement laïque québécois, 2013 QCCA 936 2013 QCCA 936 (Soquij), rendue le 27 mai 2013.

3. Ces paragraphes-clés tienent lieu de commentaires (nos soulignés)
[13]        Cette affaire met à l'avant-plan la difficile et délicate question de la neutralité religieuse de l'État. Se situant aux confins de la sociologie, de la philosophie et du droit, l'idée même de ce concept exige de concilier les valeurs fondamentales reconnues par notre démocratie, lesquelles contribuent par leur mise en oeuvre judicieuse au bien-être général des citoyens.
[64]        Or, il n'existe pas au Québec une telle chose appelée charte de la laïcité. En l'absence d'un énoncé de principe officiel portant sur les valeurs que l'État entend protéger dans le cadre de son obligation de neutralité, il faut s'en tenir à la règle libérale selon laquelle un état neutre au plan religieux signifie essentiellement qu'aucune vue religieuse n'est imposée à ses citoyens, que son action gouvernementale sous toutes ses formes demeure à l'abri d'une influence de cette nature et qu'il en est véritablement ainsi.
[79]        Je retiens de ce qui précède que la laïcité intégrale ne fait pas partie des protections fondamentales énumérées à la Charte et cette idée n'est pas davantage sous-jacente dans la forme négative de la liberté de religion. Au contraire, le principe de la neutralité de l'État implique que tout ce qui pourrait être associé à une forme d'expression religieuse, sans être banni, doit demeurer résolument subordonné aux valeurs fondamentales protégées par la Charte, y compris les libertés de religion et de conscience.
[100]     Il y a aussi le préambule de la Charte canadienne qui affirme « que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit ».  [...] il s'agit là d'un principe qui, d'un point de vue constitutionnel, est inattaquable.
[104]     Ces formes de particularisme religieux que l'on retrouve dispersées ici et là dans l'espace public ne sont que des manifestations historiques de la dimension religieuse de la société québécoise qui, lorsque replacées dans une juste perspective, ne peuvent avoir pour effet de compromettre la neutralité des différents appareils de l'État.
[106]     Ces exemples me convainquent que le principe de la neutralité religieuse de l'État vise à promouvoir la tolérance et l'ouverture à l'égard de la divergence et non à exclure de la réalité d'une société toute référence à son histoire, fût-elle religieuse.

Commentaire : un camouflet au maire
[152]     Voilà des propos et un comportement qui témoignent d'une absence de réserve élémentaire de la part de celui qui occupe une fonction élective et participe sur une base quotidienne à la gouvernance de la Ville. Il me semble tout à fait inconvenant que des fonctions prestigieuses puissent être utilisées aux fins de promouvoir ses propres convictions personnelles sur le plan religieux. D'ailleurs, personne n'a soutenu devant cette Cour que les électeurs de la Ville de Saguenay avaient choisi leurs représentants pour leur foi avouée dans une divinité quelconque. (nos soulignés,dl)

4. Lien avec les modules du cours
La notion de laïcité est abordée en filigrane au Module 10 et par le biais indirect de l’Accomodement raisonnable, étudié au Module 17.
Les Chartes sont présentées au Module 4






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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval