Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

Bienvenue

Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

jeudi 22 décembre 2011

É.D.I.T./56-2011 Valeurs mobilières--Commission fédérale--Invalidité


1. Extrait du bulletin de nouvelles de de Radio-Canada du  22 décembre 2011 :

«Valeurs mobilières : une commission nationale inconstitutionnelle

La Cour suprême du Canada estime que le projet de loi du gouvernement conservateur pour créer une commission pancanadienne des valeurs mobilières est inconstitutionnel dans sa forme actuelle. Dans sa décision unanime rendue jeudi, le plus haut tribunal au pays précise qu'il empiéterait sur les compétences provinciales.
En fait, la Cour qualifie la tentative d'Ottawa de créer une commission nationale « d'intrusion massive » dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières, jusque-là régi par les provinces. « La préservation des marchés des capitaux et le maintien de la stabilité financière du Canada ne justifient pas la supplantation intégrale de la réglementation du secteur des valeurs mobilières », peut-on lire dans le renvoi.
Tout de même, la Cour suggère au gouvernement fédéral une « démarche coopérative qui, tout en reconnaissant la nature essentiellement provinciale de la réglementation des valeurs mobilières, habiliterait le Parlement à traiter des enjeux véritablement nationaux ».
Le projet de loi avait été soumis à la Cour suprême en juin 2010, une semaine après sa présentation par le ministre des Finances, Jim Flaherty, en raison de la forte opposition qu'il suscite chez des provinces. Ces dernières jugeaient le projet de loi anticonstitutionnel, affirmant qu'il empiète sur leurs champs de compétence.
Six provinces, soit le Québec, l'Alberta, le Manitoba, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick, se sont prononcées contre la création d'un tel organisme devant la Cour suprême. Par ailleurs, les cours d'appel de l'Alberta et du Québec ont de leur côté jugé le projet anticonstitutionnel.
Seul l'Ontario s'était montré favorable au projet et l'a défendu sur la scène nationale. Le gouvernement ontarien pense notamment que les commissions des valeurs mobilières des provinces sont incapables de se concerter pour encadrer adéquatement les marchés financiers en cas de crises interprovinciales ou internationales.»


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)

Il s'agit de la décision Renvoi relatif à la Loi sur les valeurs mobilières , 2011 CSC 66
Titre long : Dans l’affaire d’un renvoi par le Gouverneur en conseil au sujet de la Proposition concernant une loi canadienne intitulée Loi sur les valeurs mobilières formulée dans le décret C.P. 2010-667 en date du 26 mai 2010.
Rendue le 22 décembre 2011

3. Commentaires, questions

La conclusion est claire tout autant que laconique (§134) :
« La Loi sur les valeurs mobilières, dans sa version actuelle, n’est pas valide, car elle ne relève pas du pouvoir général de réglementation en matière de trafic et de commerce conféré au Parlement par le par. 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867

Les §§54 à 62 offrent un  un aperçu historique éclairant du principe du fédéralisme; la lecture de ces paragraphes permet à tout étudiant de faire une synthèse rapide du passage de l’interprétation du temps du Conseil privé [« compartiments étanches »,« arbre vivant [. . .] susceptible de croître et de se développer à l’intérieur de ses limites naturelles »§ 56] à celle de la Cour suprême [«vision plus souple du fédéralisme qui permet le chevauchement des compétences et qui encourage la coopération intergouvernementale» §57].
Notons au passage qu’ «il est souhaitable d’adopter une approche restrictive des principes comme celui de la prépondérance fédérale» (§60).
La Cour énonce la philosophie qui devrait encadrer la collaboration :
[132]                     Il n’appartient pas à la Cour de suggérer aux gouvernements du Canada et des provinces comment procéder, en jugeant à l’avance, dans les faits, tel ou tel autre régime valide sur le plan constitutionnel.  Nous pouvons toutefois à bon droit noter l’existence d’une tendance de plus en plus marquée à envisager les problèmes complexes de gouvernance susceptibles de se présenter dans une fédération, non pas comme une simple alternative entre les deux ordres de gouvernement, mais comme une recherche coopérative de solutions qui satisfont les besoins tant de l’ensemble du pays que de ses composantes.
[133]                     Une telle approche s’inscrit dans le droit fil des principes constitutionnels canadiens et des pratiques adoptées par le fédéral et les provinces dans d’autres sphères d’activité.  Ces régimes ont pour pivot le respect par chacun des champs de compétence de l’autre et la collaboration pour principe directeur.  Le fédéralisme qui sous‑tend le cadre constitutionnel canadien n’exige pas moins.


À titre anecdotique, il est intéressant de noter que la Cour ne doute pas de son objectivité. On sait le fait que la Cour est établie par une loi fédérale et que les juges sont nommés par le fédéral à parfois fait dire que La Cour, comme la Tour de Pise, penche toujours du même côté (Maurice Duplessis).* Or il n’en n’en est rien.
«Les juges, qui sont chargés de « contrôle[r] les bornes de la souveraineté propre » des deux paliers de gouvernement, sont cet arbitre impartial (Northern Telecom Canada Ltée c. Syndicat des travailleurs en communication du Canada, [1983] 1 R.C.S. 733, p. 741).» (§55)
---------------------
*C'est allé de fil en aiguille, mais toujours dans un sens, du côté du fédéral. Cela faisait dire à Maurice Duplessis la phrase célèbre suivante, que «la Cour suprême du Canada était comme la tour de Pise, elle penchait dangereusement toujours du même bord».[Déb CC 10 juin 1996]

4. Lien avec les modules du cours
Le partage des compétences est brièvement présenté au Module 4 et rappelé au Module 11.
La notion de valeurs mobilières est   présentée au Module 13

jeudi 1 décembre 2011

É.D.I.T./55-2011 Intoxication volontaire vs trouble mental (aa 16 et 33.1 CCR)

1. Extrait du Journal de Québec le 30 novembre 2011 :
«La Cour suprême du Canada maintient que le Gaspésien Tommy Bouchard-Lebrun, condamné à cinq ans de prison après avoir battu violemment un sexagénaire, est tenu criminellement responsable de ses actes et ce, même s'il souffrait de psychose provoquée par la consommation de drogues au moment du crime.
Le plus au tribunal du pays a ainsi rendu un jugement unanime, mercredi, dans lequel il rejette l'appel de l'accusé. Ce dernier soutenait que la Cour d'appel du Québec avait fait erreur en refusant de le déclarer non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux.
Tommy Bouchard-Lebrun, âgé de 24 ans à l'époque, avait consommé des stupéfiants le soir de l'incident survenu le 24 octobre 2005. Il s'était alors rendu avec son ami Yohan Schmout, 20 ans, dans une résidence d'Amqui pour aller battre Danny Lévesque, car ce dernier portait une croix à l'envers. Il s'agissait selon eux d'un signe qu'il était l'antéchrist.
Durant l'altercation, un voisin de palier, Roger Dumas, 61 ans, est intervenu. L'accusé lui a asséné plusieurs coups de pied à la tête, alors qu'il gisait par terre après avoir été projeté en bas des escaliers.
La victime a été gravement blessée et est même devenue invalide. Elle a dû terminer ses jours à l'hôpital, où elle est décédée par la suite d'une maladie.
Bouchard-Lebrun a pour sa part été condamné à cinq ans de prison, notamment pour tentative d'entrée par effraction et voies de fait graves.
En première instance, l'accusé soutenait qu'au moment des gestes posés, il était sous l'effet d'une phychose occasionnée par l'influence de son ami et avait invoqué la défense d'intoxication volontaire.
La Cour du Québec a conclu, à la lumière de la preuve d'expert, que la psychose était due à la consommation de drogues. Elle l'a alors reconnu coupable de voies de fait graves.
En appel, la Cour a ensuite rejeté la défense de "troubles mentaux" de Bouchard-Lebrun, jugeant que la jurisprudence ne permettait pas à un accusé souffrant d'une psychose causée par la consommation de drogues dans de telles circonstances d'invoquer une telle défense.
Dans sa décision rendue relativement à cette affaire, la Cour suprême a confirmé ce point de droit et y a apporté certaines clarifications.»


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII), http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2011/2011csc58/2011csc58.html
Résumé de SOQUIJ : Une psychose toxique peut faire partie des états d'intoxication visés par l'article 33.1 C.Cr.; en l'espèce, la Cour d'appel du Québec n'a pas commis d'erreur de droit en concluant à l'application de cet article plutôt qu'à celle de l'article 16 C.Cr. dans le cas de l'accusé, inculpé pour voies de fait graves commises alors qu'il était dans un état psychotique provoqué par la consommation de drogues.

Les §§ 89 à 91 résument le cadre d’application de l’a 33 CCR.


3. Commentaires, questions
Cette décision marque une différence important avec l’«Affaire Turcotte» de 2011 (non-responsabilité criminelle pour cause de trouble mental), quoique elle contienne une analyse de l’a 16 CCR (aux §§ 55 et ss) qui sera sûrement utile pour le dossier Turcotte en Cour d’appel du Québec le temps venu.
Il s’agit ici d’une infraction relativement récente --introduite au CCR par LC 1995 c 32-- qui «coupe l’herbe sous le pied», si on nous permet cette expression dans le contexte des drogues! à l’accusé qui s’est volontairement intoxiqué et qui commet un crime. Il ne peut avoir l’excuse en défense de dire : «j’étais sous l’effet d’une drogue, je ne pouvais pas avoir l’intention» (mens rea). Si la Couronne voit ainsi son fardeau allégé quant à l’intention de commettre un crime, elle doit quand même prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait l’intention de s’intoxiquer en consommant une substance.
La clé : « l’art. 33.1 C. cr. ne devrait pas être interprété de manière à limiter la portée de l’art. 16 C. cr. L’intoxication et l’aliénation mentale demeurent deux concepts juridiques distincts. En tant que défenses à des accusations criminelles, elles répondent à des logiques différentes et sont régies par des principes qui leur sont propres.» Le juge LeBel au §36.

4. Lien avec les modules du cours
La santé mentale en général est étudiée au Module 12.
La Partie XX.1 CCR (Troubles mentaux) est commentée au Module 20.

mercredi 23 novembre 2011

É.D.I.T./54-2011 Polygamie--Illégalité--a 293 CCR


Le 23 novembre 2011

1. Extrait du journal de Radio-Canada le 23 novembre 2011 :

«C.-B. : la loi qui interdit la polygamie est conforme à la Constitution :La Cour suprême de la Colombie-Britannique juge que la loi qui interdit la polygamie est conforme à la Charte des droits et libertés.

Dans une décision rendue mercredi, la Cour suprême de la Colombie-Britannique juge que la loi qui interdit la polygamie respecte la Charte des droits et libertés.

Le juge en chef Robert Bauman estime que les mariages polygames engendrent des préjudices importants envers les femmes et les enfants issus de ces unions. Cette conclusion justifie, écrit-il, l'atteinte à la liberté de religion causée par la loi interdisant la polygamie.

Les femmes subissent un taux de violence domestique et d'agression sexuelle plus important que dans les relations monogames, juge-t-il.

Il estime qu'elles doivent souvent se battre entre elles pour attirer le soutien émotionnel et matériel de leur conjoint. Cette concurrence contribue à des dépressions psychologiques et à d'autres troubles de santé mentale.

Le juge Robert Bauman cite aussi des statistiques présentées à la cour montrant que les jeunes femmes de communautés polygames ont également un nombre d'enfants plus élevé que la moyenne au Canada, ce qui augmente leur risque de mourir lors d'un accouchement. Les filles doivent souvent se marier très jeunes à des hommes plus âgés qui leur font des enfants tôt, affaiblissant ainsi leur état de santé.

De plus, il soutient que le père ayant tant d'enfants n'a pas les moyens de les discipliner ou de leur apporter suffisamment d'attention, ce qui les fragilise psychologiquement.

Enfin les garçons doivent souvent quitter les sectes polygames en raison d'un manque de femmes disponible pour fonder une famille. Or ces jeunes manquent souvent d'éducation et ont du mal à trouver des repères au sein de la société traditionnelle, écrit le juge.

La province cherchait un avis juridique de la cour

La province avait demandé à la Cour si la polygamie devait être une pratique condamnable en vertu du Code criminel ou permis au nom de la liberté de religion.

Les procureurs affirmaient que ces unions conjugales multiples entraînaient des risques pour les femmes, les enfants et la société en général.

Dans l'autre camp, les avocats plaidaient que l'interdiction de la polygamie violait la Charte des droits et libertés, notamment le droit à la liberté de religion.

Une douzaine de parties ont présenté leur opinion au tribunal. Parmi eux se trouvaient des opposants à la polygamie, comme le groupe Stop Polygamy in Canada et des partisans, dont l'Église fondamentaliste de Jésus-Christ des saints des derniers jours, d'obédience mormone.

La décision de solliciter l'avis de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a été prise par le gouvernement de Gordon Campbell, l'automne dernier, après qu'il eut perdu une cause très médiatisée concernant la secte fondamentaliste mormone de Bountiful, dans le sud-est de la province.

Le chef de la secte, Winston Blackmore, était accusé d'avoir épousé 19 femmes alors qu'un autre membre de la secte, James Oler, était accusé d'être le mari de trois autres.

Les deux hommes avaient été arrêtés par la police en janvier 2009 en vertu de l'article 293 du Code criminel qui définit une relation conjugale comme une association entre mari et femme.

M. Blackmore et M. Oler préconisent toujours le même mode de vie aujourd'hui.»


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Reference re: Section 293 of the Criminal Code of Canada, 2011 BCSC 1588 http://www.courts.gov.bc.ca/jdb-txt/SC/11/15/2011BCSC1588.htm

La décision comporte 1 367 paragraphes. Elle est rédigée en anglais.
La Cour suit un plan qui se rapproche de la Cour ontarienne dans l’affaire de la prostitution.(cf. É.D.I.T./43-2010 Prostitution--Illégalité de certaines restrictions--Décision Cour ontarienne)


3. Commentaires, questions

Ce jugement constitue en lui-même une véritable encyclopédie de connaissances sur la question; l’exhaustivité de la recherche est telle que les tribunaux d’appel pourraient facilement l’approuver en quelques lignes comme la Cour suprême le fit dans les affaires de la margarine et de l’équité salarial aux postes. Mais nous n’en sommes pas encore là.

A compter du § 146, la Cour fait une étude historique des approches religieuses, juridiques et sociales de la polygamie.
Les § 702 à 745 portent sur la de la pratique polygamie au Canada; l’analyse de l’a 293 CCR depuis la première prohibition criminelle en 1890 débute quant à elle au § 854.

Les § 794 à 851 étudient les engagements internationaux du Canada en regard des principales conventions relatives aux droits de la personne (femme, enfant etc.).

Vient ensuite la confrontation avec la Charte (§§ 1043 et ss.).
On passe en revue les principaux droits pertinents : religion, association, liberté. et sécurité, égalité, l’article 1 de la Charte : le point tournant : «[1329] Having found s. 293 to infringe both s. 2(a) and s. 7 of the Charter, I advance to apply the Oakes test to each infringement.» pour conclure que l’atteinte est raisonnable.

La Cour recommande que les enfants de 12 à 17 ans échappent à la criminalisation.


4. Lien avec les modules du cours

Les Modules 19 à 21 présentent un panorama du droit criminel canadien.

La Charte canadienne est présentée au Module 4.

samedi 1 octobre 2011

É.D.I.T./53-2011 Drogues--Dépendance--Sites d’injection supervisée--Financement--Décision CSC

1. Extrait du journal Le Devoir du 1er octobre 2011 :

- La Cour suprême donne son feu vert au site d'injection supervisée Insite

- La dépendance aux drogues nécessite des traitements, et non des sanctions, disent les juges


«Le moralisme conservateur au pilori/BRIAN MYLES

La dépendance aux drogues est une maladie. Même la Cour suprême l'a reconnu de façon éclatante hier en ordonnant au ministre fédéral de la Santé de cesser de mettre des bâtons dans les roues du site d'injection supervisée (SIS) de Vancouver, Insite.L'approche moraliste défendue par les conservateurs dans les politiques sur les drogues a été battue en brèche par la Cour suprême dans cette décision unanime. Les neuf juges se rendent à l'idée que la dépendance aux drogues nécessite des traitements, et non des sanctions.

«Pour pouvoir bénéficier des services offerts par Insite, qui protègent leur vie et leur santé, les clients doivent être autorisés à posséder des drogues sur place. Interdire la possession en général met en jeu les droits à la liberté des toxicomanes; leur interdire la possession de drogues dans l'enceinte d'Insite met en jeu leurs droits à la vie et à la sécurité de leur personne», explique la Cour.

Avec cet arrêt, l'État ne pourra tout simplement plus détourner le regard face aux légions de Canadiens souffrant de problèmes de dépendance.

La Cour force le ministre de la Santé à accorder à Insite l'exemption légale nécessaire pour que les utilisateurs de drogues injectables (UDI) puissent s'injecter en toute sécurité, avec du matériel stérile, sans craindre une intervention de la police. Elle ouvre également la porte à l'ouverture de sites similaires dans le reste du pays.

Les organismes communautaires Cactus, à Montréal, et Point de repères, à Québec, ont déjà indiqué hier qu'ils allaient redoubler d'efforts pour ouvrir des SIS en s'appuyant sur cette décision. «Le seul frein maintenant, c'est le financement, a dit Louis Letellier de Saint-Just, le président du conseil de Cactus. Le ministre de la Santé du Québec ne pourra plus dire qu'il attend le jugement de la Cour pour agir.»

À Québec, le cabinet du ministre de la Santé, Yves Bolduc, s'est contenté d'affirmer que le jugement allait faire l'objet d'une étude approfondie. L'implantation de SIS fait partie d'une réflexion globale sur la toxicomanie, a-t-on précisé à La Presse canadienne.

Le premier ministre du Canada, qui se trouvait aussi à Québec hier, a fait part de sa déception. «Nous lirons la décision, mais évidemment nous allons [la] respecter», a promis Stephen Harper.

La cause d'une vie

Pour les quelque 4600 UDI qui s'entassent dans le quartier désÏuvré du Downtown Eastside, à Vancouver, les victoires comme celle-là n'arrivent qu'une seule fois dans une vie. La clientèle cible d'Insite cumule les problèmes: itinérance, maladie mentale, traumatismes résultant d'une enfance brisée par des sévices sexuels. Près de 87 % des UDI du quartier sont atteints d'une hépatite, et 17 % sont porteurs du VIH.

La Cour ne peut trouver dans ce quartier morose des utilisateurs de drogues injectables qui ont fait «le choix» de s'injecter à toute heure du jour à des fins dites récréatives. «Par la nature même de leur dépendance, les consommateurs de drogues injectables mènent une vie désespérée et dangereuse», constate le tribunal. Leur refuser des soins est une violation flagrante de leur droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de leur personne.

Dean Wilson et Shelly Tomic, deux requérants dans cette cause à la Cour suprême, sont l'exemple même de la dure réalité du Downtown Eastside. M. Wilson a commencé à s'injecter à l'âge de 13 ans, et malgré de nombreuses tentatives de sevrage, il a souvent rechuté. Quant à Mme Tomic, ses problèmes ont commencé à sa naissance, alors qu'elle était déjà dépendante aux méthamphétamines.

Insite a ouvert ses portes en 2003 pour répondre aux besoins des UDI qui se trouvaient dans la même situation qu'eux: incapables de s'arrêter, et difficiles à rejoindre par la santé publique.

Le SIS de Vancouver ne leur vend pas de drogue, mais il leur permet de s'injecter avec du matériel stérile et d'avoir accès à des soins de santé. Le site a permis de réduire du tiers les morts liées aux surdoses. «Insite a sauvé des vies et a eu un effet bénéfique en matière de santé, et ce, sans provoquer une hausse des méfaits liés à la consommation de drogues et de la criminalité dans le quartier», constate la Cour suprême.

Débordant de joie peu après qu'il eut pris connaissance du jugement, Dean Wilson a souligné qu'il était toujours en vie grâce à Insite. «On a réussi! On a réussi après 14 ans!», s'est-il exclamé. «Mettons les idéologies de côté et commençons à travailler ensemble», a-t-il lancé à l'intention du gouvernement.

Vagues intentions

Au-delà des déclarations de principes, les intentions du fédéral sont demeurées vagues. Aux Communes, la ministre de la Santé, Leona Aglukkaq, était de toute évidence contrariée par cette décision. Se disant «déçue», elle a indiqué que le gouvernement se plierait au jugement.

«Nous croyons que le système devrait s'attarder à prévenir que les gens deviennent dépendants aux drogues. Un des piliers centraux de notre stratégie nationale antidrogue est la prévention et le traitement de ceux aux prises avec une dépendance aux drogues», a-t-elle expliqué.

L'opposition officielle n'est pas du tout rassurée, la ministre ayant indiqué à sept reprises qu'elle allait «réviser» la décision, sans expliquer à quelles fins.

Ce flou inquiète une députée néodémocrate de la Colombie-Britannique, Libby Davies. À son avis, les conservateurs n'ont jamais cherché à comprendre la mission d'Insite en raison de leurs «Ïillères idéologiques».

«Je ne pense pas qu'un ministre de la Santé ait jamais visité Insiste. [...] Quand la ministre nous dit qu'elle appuie la prévention et le traitement, et bien, Insite fait partie de ce continuum», a commenté Mme Davies.

Le jugement est très dur à l'égard du credo conservateur en matière de lutte contre la drogue. Dans ses arguments, le procureur général a fait valoir que la consommation de drogue était un choix personnel, et non un problème de santé publique. Selon cette implacable logique, ceux qui commettent des crimes doivent être prêts à en subir les conséquences. Ces arguments sont balayés du revers de la main par la Cour suprême, qui juge la décision prise par le ministre de la Santé de l'époque, Tony Clement, «arbitraire» et de portée «excessive».

Insite ne pouvait opérer sans obtenir au préalable une exemption du ministre de la Santé en vertu de l'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cette exemption permet de suspendre l'application de la loi pour des raisons scientifiques ou médicales, et elle a permis à Insite d'accueillir sa clientèle sans craindre de subir les foudres de la police (qui était favorable au projet de toute façon).

Lorsque le ministre Clement a annoncé son intention de ne pas reconduire l'exemption, sans raison claire, Insite s'est tourné vers les tribunaux. À toutes les étapes de cette longue marche, les arguments d'Insite en faveur d'une approche de santé publique ont trouvé leur pleine confirmation.

***

Avec la collaboration d'Hélène Buzzetti et d'Antoine Robitaille

Avec La Presse canadienne»

***

2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44 http://csc.lexum.org/fr/2011/2011csc44/2011csc44.html

La décision comporte 159 paragraphes.


3. Commentaires, questions

Cette décision devait d’abord, sans surprise, disposer de la question du partage des compétences en droit de la santé.Extraits pertinents du résumé de la Cour :

Première clé : Les interdictions criminelles de possession et de trafic établies par la Loi sont valides sur le plan constitutionnel

Deuxième clé : Il n’y a aucune contradiction entre affirmer qu’une loi fédérale a été validement adoptée en vertu de l’art. 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 et prétendre que cette même loi, par son objet ou ses effets, prive des personnes de leurs droits garantis par la Charte.

Troisième clé : La discrétion laissée au ministre de la Santé n’est pas absolue : comme c’est toujours le cas de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, les décisions du ministre doivent respecter la Charte. Si la décision du ministre occasionne une application de la Loi qui restreint les droits garantis par l’art. 7 d’une manière qui contrevient à laCharte, l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre est inconstitutionnel.


4. Lien avec les modules du cours

Cette décision touche aux questions de santé (Module 12), de services sociaux (Module 18) et de droit criminel (Modules 19-21).

La dimension constitutionnelle est présenté au Module 4 pour la première fois et rappelée dans tous les Modules par la suite. Dans cette décision, on trouve une excellente synthèse jurisprudentielle sur la doctrine de l’ exclusivité des compétences, aux §§ 57 et ss.


vendredi 30 septembre 2011

É.D.I.T./52-2011 Réforme de la procédure civile

1. Extrait du journal Le Devoir du 30 septembre 2011 :


« Faciliter l'accès à la justice/Mélissa Guillemette

Québec veut réformer le système de justice pour éviter le «décrochage judiciaire», un phénomène dû aux délais et aux coûts importants associés aux recours en justice civile.Pour améliorer l'accessibilité au système de justice -- et limiter ces abandons de procédures --, le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, propose une série de mesures pour moderniser le Code de procédure civile, dans un avant-projet de loi déposé hier à l'Assemblée nationale. «Ce que l'on veut, c'est que ce soit moins long, moins cher», a résumé le ministre.

Son plan Accès justice comprend entre autres une hausse du seuil d'admissibilité à la Cour des petites créances à 15 000 $, plutôt qu'à 7000 $, ainsi qu'une simplification des révisions des pensions alimentaires et une «légère» bonification des seuils d'admissibilité à l'aide juridique, a annoncé le ministre. Son plan prévoit aussi un accroissement du pouvoir des juges afin qu'ils aient un meilleur contrôle du respect des échéanciers ou encore pour qu'ils puissent guider les parties vers la médiation ou l'arbitrage.

Le ministre Fournier estime que certaines parties de son plan risquent de déplaire aux avocats. «Certains membres du Barreau diront que l'avant-projet de loi intervient dans la liberté qu'ils ont de décider du sort de leur cause.»

Le Barreau du Québec scrute présentement à la loupe l'avant-projet de loi et fera des commentaires devant la commission parlementaire qui recueillera les mémoires sur le sujet cet hiver. Pour l'instant, le Barreau voit le dépôt du plan comme une «importante étape d'un processus visant à améliorer la justice». Le bâtonnier du Québec, Me Louis Masson, a précisé que les avocats espèrent que la réforme fera plus de place à l'utilisation des technologies et qu'elle permettra vraiment d'accélérer les procédures civiles sans compromettre la «qualité de la justice».

La clinique juridique Juripop, de Saint-Constant, salue le projet de réforme, mais juge qu'il restera encore beaucoup de chemin à faire pour que tous les citoyens aient accès à la justice. «Juripop était d'avis que le grand saut était nécessaire en ce qui concerne les seuils d'admissibilité à l'aide juridique, afin qu'un travailleur au salaire minimum à temps plein puisse bénéficier de l'aide juridique gratuite, a dit le fondateur du jeune organisme, Marc-Antoine Cloutier. Or, la réforme actuellement proposée est très timide.»

Québec pense toutefois créer une assurance juridique pour les personnes qui n'ont pas accès à l'aide gratuite.

***

Avec La Presse canadienne»



2. Précisions juridiques (référence contexte etc)


Il s'agit de l’Avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile , déposé le 29 septembre 2011 et disponible sur le site de l’Assemblée nationale .


3. Commentaires, questions


Le projet comporte 800 articles et remplacera l’actuel CPC.

Il s’ouvre avec une Disposition préliminaire analogue à celle du Code civil.

Le contenu se décline en 8 livres :

LIVRE I LE CADRE GÉNÉRAL DE LA PROCÉDURE CIVILE

LIVRE II LA PROCÉDURE EN MATIÈRE CONTENTIEUSE

LIVRE III LA PROCÉDURE EN MATIÈRE NON CONTENTIEUSE

LIVRE IV LE JUGEMENT ET LES POURVOIS EN

RÉTRACTATION OU EN APPEL

LIVRE V LES RÈGLES APPLICABLES À CERTAINES MATIÈRES

CIVILES

LIVRE VI LES VOIES PROCÉDURALES PARTICULIÈRES

LIVRE VII LES MODES PRIVÉS DE PRÉVENTION ET DE

RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

LIVRE VIII L’EXÉCUTION DES JUGEMENTS


L’article 776 établit la concordance avec les nouvelles appellations :

«776. Dans les lois et leurs textes d’application, les notions inscrites à

l’ancien Code de procédure civile sont remplacées par les notions correspondantes

inscrites au nouveau Code. Le remplacement des notions suivantes est effectué

en faisant les adaptations nécessaires, notamment grammaticales et

syntaxiques :

193

1° « assignation à comparaître » et « subpoena » sont remplacées par « citation

à comparaître »;

2° « courrier, lettre, poste certifié(e) » ou « courrier, lettre, poste

recommandé(e) » sont remplacées par « poste recommandée »;

3° « honoraires extrajudiciaires » est remplacée par « honoraires » et

« honoraires judiciaires » est supprimée;

4° « jour juridique » est remplacée par « jour ouvrable »;

5° « jour non-juridique » est remplacée par « jour férié » en y ajoutant, si le

contexte le justifie, « le samedi, le 26 décembre et le 2 janvier »;

6° « juridiction » est remplacée par « compétence », lorsque cette dernière

renvoie à la compétence d’un tribunal judiciaire ou administratif;

7° « mandat en prévision de l’inaptitude » est remplacée par « mandat de

protection »;

8° « principes comptables généralement reconnus » est remplacée par

« normes comptables généralement reconnues »;

9° « recours collectif » est remplacée par « action collective »;

10° « recours extraordinaires », « action directe en nullité » de même que

les références aux articles 834 à 846 de l’ancien Code sont remplacées par

« pourvoi en contrôle judiciaire »;

11° « règles de pratique » est remplacée par « règlements du tribunal »,

lorsque cette dernière renvoie à un tribunal judiciaire ou administratif;

12° « signification » est remplacée par « notification », sauf si cette dernière

vise la « notification par huissier » ou la « notification d’un acte introductif

d’instance » ou « en mains propres » ou si une personne risque de perdre un

droit ou de subir une sanction autre que procédurale si elle n’agit pas dans un

délai précis.»


Au plan législatif, un avant-projet n’est pas encore un projet de loi formel introduit au parlement et soumis aux diverses étapes de la procédure parlementaire. Il subira certainement des modifications au terme des consultatiuons et sera ensuite déposé officiellement.


4. Lien avec les modules du cours


La procédure civile fait l’objet d’une présentation au Module 7.

Les nouvelles appellations et définitions se retrouveront éventuellement dans le Glossaire (IGD/24).


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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval