Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

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Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

mercredi 23 novembre 2011

É.D.I.T./54-2011 Polygamie--Illégalité--a 293 CCR


Le 23 novembre 2011

1. Extrait du journal de Radio-Canada le 23 novembre 2011 :

«C.-B. : la loi qui interdit la polygamie est conforme à la Constitution :La Cour suprême de la Colombie-Britannique juge que la loi qui interdit la polygamie est conforme à la Charte des droits et libertés.

Dans une décision rendue mercredi, la Cour suprême de la Colombie-Britannique juge que la loi qui interdit la polygamie respecte la Charte des droits et libertés.

Le juge en chef Robert Bauman estime que les mariages polygames engendrent des préjudices importants envers les femmes et les enfants issus de ces unions. Cette conclusion justifie, écrit-il, l'atteinte à la liberté de religion causée par la loi interdisant la polygamie.

Les femmes subissent un taux de violence domestique et d'agression sexuelle plus important que dans les relations monogames, juge-t-il.

Il estime qu'elles doivent souvent se battre entre elles pour attirer le soutien émotionnel et matériel de leur conjoint. Cette concurrence contribue à des dépressions psychologiques et à d'autres troubles de santé mentale.

Le juge Robert Bauman cite aussi des statistiques présentées à la cour montrant que les jeunes femmes de communautés polygames ont également un nombre d'enfants plus élevé que la moyenne au Canada, ce qui augmente leur risque de mourir lors d'un accouchement. Les filles doivent souvent se marier très jeunes à des hommes plus âgés qui leur font des enfants tôt, affaiblissant ainsi leur état de santé.

De plus, il soutient que le père ayant tant d'enfants n'a pas les moyens de les discipliner ou de leur apporter suffisamment d'attention, ce qui les fragilise psychologiquement.

Enfin les garçons doivent souvent quitter les sectes polygames en raison d'un manque de femmes disponible pour fonder une famille. Or ces jeunes manquent souvent d'éducation et ont du mal à trouver des repères au sein de la société traditionnelle, écrit le juge.

La province cherchait un avis juridique de la cour

La province avait demandé à la Cour si la polygamie devait être une pratique condamnable en vertu du Code criminel ou permis au nom de la liberté de religion.

Les procureurs affirmaient que ces unions conjugales multiples entraînaient des risques pour les femmes, les enfants et la société en général.

Dans l'autre camp, les avocats plaidaient que l'interdiction de la polygamie violait la Charte des droits et libertés, notamment le droit à la liberté de religion.

Une douzaine de parties ont présenté leur opinion au tribunal. Parmi eux se trouvaient des opposants à la polygamie, comme le groupe Stop Polygamy in Canada et des partisans, dont l'Église fondamentaliste de Jésus-Christ des saints des derniers jours, d'obédience mormone.

La décision de solliciter l'avis de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a été prise par le gouvernement de Gordon Campbell, l'automne dernier, après qu'il eut perdu une cause très médiatisée concernant la secte fondamentaliste mormone de Bountiful, dans le sud-est de la province.

Le chef de la secte, Winston Blackmore, était accusé d'avoir épousé 19 femmes alors qu'un autre membre de la secte, James Oler, était accusé d'être le mari de trois autres.

Les deux hommes avaient été arrêtés par la police en janvier 2009 en vertu de l'article 293 du Code criminel qui définit une relation conjugale comme une association entre mari et femme.

M. Blackmore et M. Oler préconisent toujours le même mode de vie aujourd'hui.»


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Reference re: Section 293 of the Criminal Code of Canada, 2011 BCSC 1588 http://www.courts.gov.bc.ca/jdb-txt/SC/11/15/2011BCSC1588.htm

La décision comporte 1 367 paragraphes. Elle est rédigée en anglais.
La Cour suit un plan qui se rapproche de la Cour ontarienne dans l’affaire de la prostitution.(cf. É.D.I.T./43-2010 Prostitution--Illégalité de certaines restrictions--Décision Cour ontarienne)


3. Commentaires, questions

Ce jugement constitue en lui-même une véritable encyclopédie de connaissances sur la question; l’exhaustivité de la recherche est telle que les tribunaux d’appel pourraient facilement l’approuver en quelques lignes comme la Cour suprême le fit dans les affaires de la margarine et de l’équité salarial aux postes. Mais nous n’en sommes pas encore là.

A compter du § 146, la Cour fait une étude historique des approches religieuses, juridiques et sociales de la polygamie.
Les § 702 à 745 portent sur la de la pratique polygamie au Canada; l’analyse de l’a 293 CCR depuis la première prohibition criminelle en 1890 débute quant à elle au § 854.

Les § 794 à 851 étudient les engagements internationaux du Canada en regard des principales conventions relatives aux droits de la personne (femme, enfant etc.).

Vient ensuite la confrontation avec la Charte (§§ 1043 et ss.).
On passe en revue les principaux droits pertinents : religion, association, liberté. et sécurité, égalité, l’article 1 de la Charte : le point tournant : «[1329] Having found s. 293 to infringe both s. 2(a) and s. 7 of the Charter, I advance to apply the Oakes test to each infringement.» pour conclure que l’atteinte est raisonnable.

La Cour recommande que les enfants de 12 à 17 ans échappent à la criminalisation.


4. Lien avec les modules du cours

Les Modules 19 à 21 présentent un panorama du droit criminel canadien.

La Charte canadienne est présentée au Module 4.

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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval