Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

Bienvenue

Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

mercredi 23 décembre 2009

É.D.I.T./38-2009 Diffamation--Médias--Défense de communication responsable

Le 23 décembre 2009

1. Extrait du journal Le Devoir le 23 décembre 2009 :
La Cour suprême tranche en faveur du journalisme responsable
Stéphane Baillargeon

La Cour suprême a tranché: au bout du compte médiatique, l'important, ce n'est pas vraiment de dire entièrement et totalement vrai. L'important, c'est de présenter des faits vérifiés et d'intérêt public dans une optique de «communication responsable».Le jugement du plus haut tribunal du pays, rendu hier matin à l'unanimité dans deux causes, rétablit un équilibre entre la protection de la réputation des citoyens et la liberté de presse. Il n'accorde tout de même pas le droit de faire n'importe quoi. Pour remporter une cause de diffamation, un média canadien poursuivi devra démontrer que la nouvelle concernée était d'intérêt public et que des mécanismes de vérification ont été mis en branle pour vérifier et contre-vérifier de manière responsable l'exactitude des faits rapportés.

Le double jugement net et tranché soulage les producteurs et les diffuseurs d'information, y compris les blogueurs, qui s'en donnaient à coeur joie hier. Seulement, la décision concerne d'abord et avant tout les provinces où s'applique la Common Law en cette matière. Partout au Canada sauf au Québec, quoi. Ici, le droit civil a déjà orienté dans le même sens les décisions de cours québécoises.

«La Cour suprême harmonise la Common Law et le droit civil québécois», dit Me François Fontaine, spécialiste des litiges en matières civiles au cabinet Ogilvy Renault. «Le référence au journalisme responsable me fait immédiatement penser au critère que nous connaissons en droit civil, celui de la diligence raisonnable.»

La décision concerne directement deux poursuites distinctes entamées contre deux journaux ontariens, le Toronto Star et le Ottawa Citizen. Les deux procès devront être repris.

Dans le premier cas, l'homme d'affaires Peter Grant poursuivait le quotidien de Toronto pour un article concernant l'agrandissement d'un terrain de golf. Les voisins du terrain interviewés liaient l'obtention du permis d'agrandissement à l'amitié de M. Grant avec le premier ministre ontarien Mike Harris. La cause a rebondi d'instance en instance jusqu'à ce que la Cour d'appel renverse une décision inférieure d'accorder 1,5 million à l'homme d'affaires sur la base de cette référence à la «communication responsable. Le montant comprenait un million en dommages exemplaires, l'une des plus importantes sommes du genre jamais accordées au Canada.

L'autre cause octroyait 125 000 $ à Danno Cusson, un ancien policier provincial de l'Ontario qui s'était rendu avec son chien pisteur à New York, juste après les attentats du 11 septembre 2001. Un tribunal avait conclu que certains articles du Ottawa Citizen portaient atteinte à sa réputation en le présentant comme un faux expert. Là encore, la Cour suprême juge que les erreurs factuelles sont acceptables dans la mesure où les journalistes concernés ont agi de manière responsable en traitant d'une histoire servant l'intérêt public.

«Il est déjà reconnu en droit civil québécois que le fait de diffuser une information fausse n'est pas nécessairement une faute, explique Me Fontaine. Si le média fait la démonstration qu'il a pris les moyens raisonnables pour vérifier ce qu'il diffuse, pour rapporter des faits véridiques ou qu'il a raison de croire vrais -- et on ne parle pas d'opinions --, le fait de se tromper peut ne pas constituer une faute. Quand il n'y a pas de faute, il n'y a pas de dommages en responsabilité civile. La Common Law nous dit maintenant que si un média publie une information qui [se révèle] fausse, mais sur un sujet d'intérêt public et après un travail journalistique impeccable, il ne sera pas responsable. C'est semblable à la responsabilité professionnelle d'un avocat qui a le droit de se tromper tant qu'il fait les meilleurs efforts.»

Les juges établissent enfin qu'«il faut éviter que les poursuites ou les menaces de poursuites en diffamation servent d'armes permettant aux riches et aux puissants d'entraver la diffusion d'informations et le débat essentiel à une société libre».


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit des décisions Grant c. Torstar Corp., 2009 CSC 61 (CanLII),[http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2009/2009csc61/2009csc61.html]
(146 paragraphes) et Quan c. Cusson, 2009 CSC 62 (CanLII),[http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2009/2009csc62/2009csc62.html](52 paragraphes).

3. Commentaires, questions
Il s'agit bien d'un virage jurisprudentiel «Il convient donc de modifier les règles relatives à la diffamation pour y inclure la défense de communication responsable concernant des questions d’intérêt public». Voir à ce sujet les deux premiers paragraphes de la seconde décision ;

«[1] Le présent pourvoi, ainsi que le pourvoi connexe Grant c. Torstar Corp., 2009 CSC 61 (CanLII), 2009 CSC 61 (rendu simultanément), porte sur la question de savoir s’il y a lieu de modifier les règles de common law en matière de diffamation afin d’offrir une plus grande protection aux énoncés de fait diffamatoires publiés de façon responsable.

[2] Comme il est expliqué dans Grant, le temps est venu de reconnaître un nouveau moyen de défense — la défense de communication responsable concernant des questions d’intérêt public. Il s’agit en l’espèce de déterminer si les défendeurs peuvent invoquer ce moyen de défense.»

Nous avons ici une belle illustration de la création du droit par la jurisprudence.

4. Lien avec les modules du cours

La communication et la Presse sont abordés au Module 11.
Les Chartes sont présentées au Module 4
La jurisprudence et les tribunaux font l'objet du Module 7

samedi 24 octobre 2009

É.D.I.T./37-2009 Loi 101--École anglaise--Accès--Décision CSC

Le 25 octobre 2009


1) Extrait de Cyberpresse du 23 octobre 2009


(Ottawa) La Cour suprême a déclaré inconstitutionnels les changements apportés à la loi 101 par le gouvernement Landry en 2002 pour mettre fin au phénomène des écoles «passerelles»./Hugo de Grandpré, La Presse

Québec dénonçait que des élèves majoritairement allophones profitaient de ces écoles privées non subventionnées pendant une courte période de temps pour pouvoir ensuite faire le saut dans le système scolaire anglophone subventionné.Des familles avaient poursuivi le gouvernement, alléguant que ces amendements étaient contraires à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit aux citoyens canadiens de recevoir leur éducation dans la langue officielle de leur choix dans certaines circonstances, dont les cas où ils ont déjà reçu la «majeure partie de leur éducation dans cette langue».

La Cour suprême leur a donné raison en principe, jeudi, dans une décision unanime qui confirme la décision rendue par la Cour d'appel du Québec.

Dans les deux dossiers qu'il était appelé à analyser, le plus haut tribunal du pays a toutefois suspendu la décision pour une période d'un an.

Le juge Louis LeBel, qui a rédigé la décision, a noté que le «choix politique» de Québec d'obliger tous les élèves sauf exceptions à étudier en français dans la province était «valide».

Il a toutefois jugé contraire à la Charte canadienne des droits et libertés la règle ajoutée à la loi 101 en 2002 selon laquelle le gouvernement ne tiendrait pas compte du temps passé par un élève dans une école privée non subventionnée (EPNS) afin de déterminer si les études en anglais correspondaient à la «majeure partie de leur éducation dans cette langue».

«La prohibition absolue de la prise en considération du parcours scolaire dans une EPNS semble trop draconienne», a tranché le juge.

Réactions partagées

Les réactions quant à l'issue de cette cause qui dure depuis sept ans ne se sont pas fait attendre. Le gouvernement du Québec a promis de défendre la «primauté du français». Les partis souverainistes à Québec et à Ottawa ont dénoncé la décision rendue par cette «cour d'une autre nation».

Quant à l'avocat des familles qui ont intenté le recours, Brent Tyler, il n'était pas entièrement satisfait. «Nous sommes heureux en ce sens que la Cour a déclaré la législation invalide. Mais nous sommes un peu préoccupés du fait que maintenant, le dossier doit retourner au ministère de l'Éducation», a-t-il déclaré.

«Ça a pris sept ans pour obtenir ce jugement et maintenant, nous devons repartir à zéro encore.»

La Cour suprême s'est prononcée sur deux dossiers dans cette affaire. Dans le premier, celui de la famille Nguyen, les juges ne se sont pas prononcés sur le droit de ces enfants d'étudier en anglais au Québec, faute de preuve. Ils ont plutôt renvoyé leur dossier - ainsi que celui de la vingtaine d'autres familles qui s'étaient jointes au recours - au gouvernement du Québec pour une nouvelle analyse en fonction des critères à mettre au point dans la prochaine année.

Me Tyler ainsi que les représentants de certains intervenants, comme l'Association canadienne des écoles indépendantes et l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec, ont dit souhaiter que le gouvernement du Québec s'assoie maintenant avec eux pour repenser le système.

«Nous espérons que la ministre va démontrer de la bonne foi et gérer cela rapidement», a indiqué Brent Tyler.

Il a précisé que la situation des familles concernées à la base par le litige avait beaucoup changé avec le temps. Certains enfants ont déjà obtenu leur diplôme d'études secondaires et d'autres ont quitté la province, a-t-il souligné.

Stéphane Beaulac, professeur de droit à l'Université de Montréal, ne croit pas que le fait que la Cour suprême ait ainsi renvoyé la balle au gouvernement du Québec créera un cauchemar bureaucratique.

«Le cas par cas existe déjà, a-t-il noté. La délivrance des certificats d'exemption à l'école publique en français, c'est un système qui existe depuis le début de la loi 101. Avec cette décision et quand la modification de l'article 73 de la Charte de la langue française arrivera, on aura des critères supplémentaires pour orienter le pouvoir supplémentaire des fonctionnaires.»

Famille Bindra

Le second dossier, celui de la famille Bindra, est légèrement différent du premier. La fille aînée de la famille avait été déclarée admissible à l'éducation en anglais en vertu d'une autorisation spéciale.

Or, ces autorisations spéciales, accordées par exemple pour des motifs humanitaires, avaient aussi été visées par un changement législatif en 2002. La constitutionnalité de ce changement a été remise en cause par les parents de cette jeune fille, qui souhaitaient aussi envoyer son petit frère à l'école anglaise.

Dans ce cas-ci, les magistrats de la Cour suprême ont donné droit aux demandeurs et permis à leurs enfants d'étudier en anglais au Québec. Le juge Lebel a écrit que l'interdiction touchant ces autorisations spéciales contrevenait à la Charte, parce qu'elles étaient «de nature à empêcher totalement le regroupement des enfants d'une famille dans un même système scolaire».

Dans l'ensemble, le professeur Beaulac a dit croire que la Cour suprême a rendu un jugement modéré. «Le juge LeBel a vraiment pris le temps de bien expliquer, sauf que, malheureusement, l'histoire est reprise trop rapidement par les politiciens, qui déforment cet effort marqué et clair pour ne pas rendre cette décision outrageante, eu égard aux principes généraux de fédéralisme et de protection de la langue française.»

2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Nguyen c. Québec (Éducation, Loisir et Sport), 2009 CSC 47 (CanLII),[http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2009/2009csc47/2009csc47.html], rendue le 22 octobre 2009. La décision comporte 51 paragraphes.

La décision de la Cour d'appel du Québec fut l'objet de l'É.D.I.T./1-2007,[http://editdroitquebec.blogspot.com/2007/10/dit-1-2007-dcision-ca-sur-la-loi-101_29.html].

3. Commentaires, questions

Extrait du résumé de la Cour:
«Les alinéas 2 et 3 de l’art. 73 CLF contreviennent au par. 23(2) de la Charte canadienne. Alors que la protection accordée par la Charte canadienne n’établit aucune distinction entre le type d’enseignement reçu par l’enfant, le caractère public ou privé de l’établissement d’enseignement ou encore la source de l’autorisation en vertu de laquelle l’enseignement dans une langue est dispensé, les al. 2 et 3 de l’art. 73 CLF interdisent toute reconnaissance des parcours scolaires qui se sont déroulés dans une EPNS ou en application d’une autorisation particulière accordée en vertu des art. 81, 85 ou 85.1 CLF. Ces périodes d’études sont, pour ainsi dire, effacées du parcours scolaire de l’enfant, comme si elles n’avaient jamais eu lieu. Or, depuis l’arrêt Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14 (CanLII), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201, il est établi que le critère de la « majeure partie » de l’enseignement, prévu par l’art. 73 CLF, doit être interprété comme la source d’une obligation de procéder à une évaluation qualitative globale du parcours scolaire d’un enfant. »


4. Lien avec les modules du cours

La Charte est globalement présentée dans le module 4 et l'enseignement en général dans le module 10.
L'article 23 de la Charte canadienne porte sur l'enseignement dans les langues officielles du Canada.

mardi 13 octobre 2009

É.D.I.T./36 -2009 Compagnie-Québec--Réforme de la loi


Le 13 octobre 2009

1. Extrait du journal Le Devoir du 8 octobre 2009

Québec veut protéger les actionnaires minoritaires/Alexandre Shields

Le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, a déposé hier un projet de loi visant à réformer la Loi sur les compagnies de façon à donner plus de pouvoir aux actionnaires minoritaires, mais aussi afin d'inciter les entreprises à opter pour la législation provinciale plutôt que fédérale.«Une loi moderne, simplifiée et qui assurera une meilleure protection aux actionnaires minoritaires. Voilà ce que nous proposons afin d'offrir aux entreprises québécoises le cadre législatif le plus attrayant et le plus concurrentiel au Canada», a résumé le ministre Bachand lors de la présentation du projet de loi 63, Loi sur les sociétés par actions.

Concrètement, le projet de loi prévoit un «régime de propositions d'actionnaires». Ceux-ci pourront donc déposer des propositions lors des assemblées annuelles des sociétés, une demande formulée depuis longtemps par le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires fondé par Yves Michaud.

Autre modification importante de la législation, «un actionnaire minoritaire en désaccord avec un changement majeur apporté à la structure ou aux activités de la société pourra demander à cette même société de procéder au rachat de ses actions». Un tel «changement» peut être par exemple une fusion, mais aussi des modifications ou l'abandon d'activités.

Recours

Le projet de loi intègre en outre la possibilité, toujours pour les actionnaires, de bénéficier de recours «en cas d'abus ou d'iniquité». Ils auront ainsi le loisir de s'adresser au tribunal afin d'obtenir une «ordonnance d'enquête» sur la société et, éventuellement, «obtenir une demande de redressement en cas d'abus de pouvoir ou d'iniquité». Le tribunal jouira désormais de «vastes pouvoirs curatifs» en cas d'agissements abusifs ou injustes de la part d'une société ou de ses administrateurs. Les actionnaires pourront enfin s'adresser au tribunal afin d'obtenir une autorisation d'agir au nom de la société, ce qu'on appelle une «action dérivée».

«L'équilibre entre les intérêts des actionnaires de contrôle, d'une part, et la protection des intérêts des actionnaires minoritaires, d'autre part, devaient être revus», a souligné le ministre pour justifier l'implantation de ces différentes mesures destinées à la «protection» des actionnaires. M. Bachand a d'ailleurs précisé que plus de 300 000 entreprises au Québec sont visées par le projet de loi, presque toutes des PME.

Concurrencer le fédéral

Le gouvernement libéral de Jean Charest espère en fait que l'ensemble des nouvelles mesures prévues dans le projet de loi 63 permettra d'attirer davantage les entreprises québécoises, dont plusieurs optent à l'heure actuelle pour la législation fédérale. Elles sont en effet nombreuses à choisir le régime canadien, même si celui-ci convient moins aux PME, selon le ministre Bachand. Pour l'exercice 2008-09, un peu plus du tiers des sociétés constituées sous la loi fédérale étaient du Québec.

Ainsi, on entend éliminer, pour un actionnaire unique, certaines formalités concernant notamment la tenue d'assemblées et la désignation d'un vérificateur. Le projet de loi déposé hier à l'Assemblée nationale prévoit également une simplification des règles relatives au maintien du capital-actions par l'élimination de certaines exigences, notamment lors de versements de dividendes ou du rachat d'actions. On met en effet de côté le test comptable que les entreprises doivent mener avant de procéder à de telles opérations, celui-ci étant qualifié d'«irritant». On ne conserve que le test de solvabilité, qui permet de déterminer si une société est en mesure d'acquitter son passif à échéance.

Contrairement à la loi fédérale, qui exige que 25 % des administrateurs d'une société demeurent au pays, Québec ne fixe aucune norme quant au lieu de résidence de ceux-ci. Le ministre Bachand dit vouloir doter la province d'une «juridiction planétaire».

Et «dans le but de limiter les excès», seul le conseil d'administration aura la responsabilité de fixer la rémunération des hauts dirigeants. On ajoute aussi un régime de divulgation des intérêts des administrateurs et des dirigeants.

Modernisation

Les libéraux entendent aussi réduire de façon substantielle «le fardeau administratif» des entreprises. Par exemple, le fonctionnement de la convention unanime d'actionnaires, fréquemment utilisée par les PME, a été clarifié.

Le projet de loi -- qui pourrait entrer en vigueur en janvier 2011 -- doit également permettre aux entrepreneurs et aux actionnaires de recourir aux nouvelles technologies. Ainsi, le nouveau cadre proposé autorisera le vote et la participation à distance aux assemblées d'administrateurs ou d'actionnaires. De plus, de nombreuses transactions administratives pourront désormais être effectuées en ligne auprès du registraire des entreprises.

Bref, a insisté Richard Boivin, sous-ministre adjoint aux Finances, Québec va «simplifier la vie des sociétés et non pas conserver une loi d'un autre siècle qui ne donne plus de valeur ajoutée aujourd'hui». «La Loi sur les compagnies n'a pas connu de mise à jour significative depuis 1981. L'adoption de ce projet de loi nous permettra non seulement de rattraper notre retard, mais de faire du Québec un chef de file en matière d'encadrement législatif des entreprises», a poursuivi M. Bachand. Il s'est toutefois dit ouvert à certains amendements, si nécessaire.

L'annonce du dépôt du projet de loi a été saluée par le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires. Son président, Claude Béland, a notamment insisté sur le fait qu'on reconnaît désormais davantage les droits des actionnaires. Du côté du Conseil du patronat du Québec, on a souligné que le projet de loi, s'il est adopté, devrait rendre la province plus «attrayante» pour les entreprises.


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit du projet de loi no 63, intitulé Loi sur les sociétés par action, [http://www.assnat.qc.ca/fra/39legislature1/Projets-loi/Publics/09-f063.htm].
Le projet comporte 725 articles.

3. Commentaires, questions

Ce projet remplacera les parties I et IA de l'actuelle Loi sur les compagnies (art. 724).
Une table des matières est présentée à la fin du projet. Elle est reproduite à titre de Document IGD/102.
Suite à l'adoption du projet, l'expression «société par action» remplace le mot «compagnie» dans tous les textes juridiques.
La convention unanime des actionnaires est placée sur le même pied que le règlement intérieur de la société.
Elle fait l'objet des aa. 213 et ss, et fait son entrée en droit législatif.



4. Lien avec les modules du cours

La notion de personne morale est présentée au module 2.
Les aspects juridiques des sociétés par action et des affaires se trouvent au module 13.

jeudi 10 septembre 2009

É.D.I.T./ 35-2009 Procès pénal et criminel (V. Lacroix)

Le 10 septembre 2009

1. Extrait du journal Le Devoir du 10 septembre 2009 :

Affaire Norbourg - Lacroix doit subir son procès criminel/François Desjardins

Frais rasé, bien peigné et vêtu d'un superbe complet à rayures, Vincent Lacroix est revenu hier au Palais de justice de Montréal, où un juge de la Cour supérieure a rejeté sa demande visant à faire annuler son procès criminel.

Mais l'ex-président de Norbourg, qui a souvent surpris ses auditoires dans le passé, a profité de l'occasion pour faire transmettre au juge un message potentiellement lourd de conséquences: son budget d'avocats s'assèche et il entend se défendre seul, comme lors de son procès pénal en 2007.Le procès de M. Lacroix et de cinq coaccusés débutera donc le 14 septembre, avec la sélection du jury. Ils font notamment face à des accusations de fraude, de fabrication de faux documents et de blanchiment d'argent. À lui seul, M. Lacroix fait face à 200 chefs. Le juge Richard Wagner a prévu quatre mois.

Les cinq coaccusés sont Serge Beugré, directeur général de Norbourg; Félicien Souka, spécialiste informatique; Jean Cholette, comptable chez Norbourg; Rémi Deschambault, un comptable qui comptait Norbourg comme client; et Jean Renaud, consultant chez Norbourg pendant un congé sans solde du ministère des Finances.

Au terme d'un procès pénal pour des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec (LVM), M. Lacroix a été reconnu coupable en décembre 2007 d'avoir orchestré un détournement de 115 millions, qui a fait 9200 victimes parmi ses clients. Les accusations portaient sur la manipulation des fonds, la fabrication de faux documents et la diffusion d'informations erronées.

M. Lacroix a d'abord écopé d'une peine de 12 ans, laquelle a été graduellement ramenée à cinq ans moins un jour, le maximum prévu par la LVM. Libéré sous caution, il fait présentement des travaux communautaires.

Deux fois pour les mêmes gestes

Les avocats de M. Lacroix ont fait valoir au juge Wagner qu'un procès criminel le priverait du droit de ne pas être jugé ni puni deux fois pour un même geste. Ce droit est prévu à l'article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le juge Wagner, dans une décision de 20 pages, a rappelé que la LVM et le Code criminel jouent des rôles distincts.

«La LVM est avant tout une loi réglementaire qui vise à protéger l'investisseur et à régir le système de valeurs mobilières. Elle vise à soutenir la confiance du public et à décourager les comportements délinquants à portée civile et commerciale», a dit le juge Wagner. «Elle fait fonction de prévention beaucoup plus que de répression qui demeure l'apanage du Code criminel.»

Le Code criminel «ratisse plus large», a-t-il répété à plusieurs reprises, et la peine maximale est plus longue, soit 14 ans.

Les avocats de M. Lacroix soutenaient que le juge de la Cour du Québec qui a infligé une peine de 12 ans lors du procès pénal s'est inspiré du Code criminel pour déterminer la peine et a donc «traité les infractions pénales comme si elles étaient commises en vertu du Code criminel».

Aussi, les avocats de M. Lacroix affirmaient qu'il serait jugé deux fois pour les retraits illégaux qu'il a effectués dans l'épargne de ses clients. Ce à quoi le juge Wagner a répondu que le Code criminel «est de portée beaucoup plus générale» et qu'il «vise à sanctionner un comportement moral délinquant» allant bien au-delà des dispositions de la LVM.

«Le requérant doit répondre à des chefs d'accusation au criminel qui n'avaient pas d'équivalent lors de son procès au pénal», a dit le juge.

Se défendre seul, encore

Au terme de la décision, Me Marie-Hélène Giroux s'est levée et a informé le juge du fait qu'elle et son collègue, Me Clemente Monterosso, se sont fait dire par M. Lacroix que leur mandat prendrait fin après la sélection du jury. «C'est une question de budget», a-t-elle dit. Les procureurs de la Couronne entendent contester ce geste. «Le jury va penser quoi?», a demandé un des procureurs, Me Serge Brodeur.

Lors du procès pénal, la défense de M. Lacroix a été lourdement encadrée par le juge Claude Leblond. Ses contre-interrogatoires étaient souvent sinueux, et le juge ne se gênait pas pour l'inviter à reformuler ses questions ou à résumer sa pensée.

Les parties se réunissent de nouveau demain matin, entre autres pour discuter du fait que M. Lacroix entend remercier ses avocats. Le juge Wagner entendra aussi une deuxième requête présentée par l'ancien dirigeant de Norbourg, toujours dans le but de faire annuler le procès du 14 septembre.

Ses avocats estiment que Vincent Lacroix ne pourra avoir droit à un procès juste et équitable en raison du battage médiatique qui a entouré cette affaire, ce qui contreviendrait à ses droits en vertu de la Charte des droits et libertés.

À sa sortie du Palais de justice, M. Lacroix est demeuré impassible. «Pas de commentaires», a-t-il dit doucement, escorté par une armée de gardiens et de Me Giroux. Un taxi l'attendait au coin de la rue, la porte ouverte.


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision R. c. Lacroix, 2009 QCCS 4004 rendue le 9 septembre 2009
[http://www.jugements.qc.ca/primeur/documents/r_lacroix-09092009.doc].
Elle comprend 109 paragraphes.

Les paragraphes 87 et 88 résument le jugement :

«[...]en poursuivant l'analyse et en identifiant le caractère distinct des infractions, le Tribunal conclut que même si à la source les deux législations réfèrent à un comportement délinquant, qui se matérialise par la transmission d'une information erronée, il s'ensuit que les éléments essentiels de chaque infraction sont distincts et entraînent un fardeau de preuve qui l'est tout autant.
Le Tribunal conclut qu'il n'existe aucun lien juridique suffisant entre les infractions pénales et criminelles.»

3. Commentaires, questions

Il est exceptionnel que l'aspect criminel d'une question survienne chronologiquement après la dimension pénale.
Le juge ne manque pas de le signaler au par. 6
«En l'espèce, le dépôt de plaintes pénales avant celui de plaintes criminelles et la recherche d'une peine d'emprisonnement exemplaire sans précédent en semblable matière ont peut-être réjoui ou rassuré les tenants d'une justice pénale quasi criminelle, mais en ce faisant, ils ont fragilisé les fondements des deux régimes de justice pénale et créé chez le grand public des expectatives exagérées tout en contribuant à la confusion des genres.»

Le par. 52 revient sur la finalité particulière des lois de nature administrative et réglementaire par rapport au droit criminel:

«Le Tribunal est d'avis qu'il s'agit avant tout d'une loi de nature réglementaire [NDLR: Loi sur les valeurs mobilières] qui vise à protéger l'investisseur et régir le système des valeurs mobilières. Elle vise à soutenir la confiance du public et à décourager les comportements délinquants à portée civile et commerciale. Elle fait fonction de prévention beaucoup plus que de répression qui demeure l'apanage du Code criminel.»

et encore le par. 77 :
«Il y a certes des volets de cette législation de nature à créer des sanctions sévères pour prévenir les infractions et assurer le respect de la loi. Cependant, la portée de la législation est beaucoup plus restrictive que les dispositions du Code criminel qui visent à sanctionner un comportement moral délinquant qui englobe et dépasse les situations visées par la Loi sur les valeurs mobilières ou toute législation de même acabit.»

En somme, «les objectifs de la Loi sur les valeurs mobilières sont spécifiques et distincts de ceux du Code criminel même s'ils concernent l'intérêt public. Les objectifs du Code criminel sont beaucoup plus larges, généraux et créent des crimes qui subsistent indépendamment des dispositions pénales de la LVM» (par.107).


4. Lien avec les modules du cours

La distinction entre le droit pénal et le droit criminel est abordée au module 5
et reprise plus en détail au module 19 (à venir).

Les distinction entre réglementer et punir et les aspects substantifs et relatifs à la
preuve sont également abordées au module 5.

vendredi 4 septembre 2009

É.D.I.T./34-2009 Propos haineux et droits de la personne

Le 4 septembre 2009
1. Extrait du journal Le Devoir du 4 septembre 2009:
«La loi sur les propos haineux est jugée anticonstitutionnelle/Stéphane Baillargeon

Un petit trou peut-il venir à bout d'un grand navire? Un jugement du Tribunal canadien des droits de la personne affirme que la Loi canadienne sur les droits de la personne interdisant les propos haineux diffusés sur le Web porte atteinte à la liberté d'expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Cette décision, bien que liée à un simple tribunal administratif, fournit des armes aux ennemis de la censure, sur Internet ou ailleurs, quitte à laisser les opinions extrêmes en profiter.

La cause tranchée cette semaine à Ottawa faisait suite à une plainte déposée en 2003 par un enquêteur de la Commission canadiennes des droits de la personne, Richard Warman, contre le Torontois Marc Lemire, accusé d'avoir affiché des propos jugés antisémites et homophobes sur le site freedomsite.org, dont il est le webmestre. La grande majorité des propos attaqués étaient tenus par d'autres internautes.

Athanasios Hadjis a conclu mercredi que l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne allait à l'encontre des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. Le membre (c'est ainsi qu'on désigne le juge de ce tribunal administratif) tire d'affaire Marc Lemire. M. Hadjis refuse de le pénaliser ou de lui ordonner de cesser de publier ses propos.

En fait, le «juge» reconnaît que Marc Lemire a transgressé la section 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne en au moins une occasion, en l'occurrence avec un texte intitulé «AIDS Secrets» écrit par un néonazi américain. Ce texte, dit M. Hadjis, contrevenait bel et bien à cet article parce qu'il accusait les homosexuels et les Noirs de répandre «un virus mortel» et de «détruire ainsi les vies d'enfants et d'adultes américains».

Il n'a cependant imposé aucune mesure contre le webmestre parce que l'article de la loi va, selon lui, à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Cet article a vu le jour durant les années 1960 afin de lutter contre l'existence des tribunes téléphoniques racistes. Sa portée a par la suite été étendue à Internet. Cependant, il fait depuis quelque temps l'objet de sévères critiques.

La réaction publique à la décision se divise entre ceux qui louent «l'audace» du juge Hadjis et ceux qui qualifient sa décision de scandaleuse. Cette polarisation témoigne de la confusion qui entoure l'éternel débat sur le discours haineux au Canada.

Le militant conservateur Ezra Levant, auteur d'un livre prônant la liberté d'expression, n'a pas caché sa surprise devant cette décision. «C'est la première fois en 32 ans que quelqu'un est acquitté d'accusations liées aux clauses sur la censure de la Loi canadienne sur les droits de la personne», a observé le militant, qui appuie bien sûr M. Lemire. «C'est incroyable! Et le fait que la loi soit jugée inconstitutionnelle a une signification plus grande encore.»

Par contre, ce jugement d'un tribunal administratif n'invalide pas la loi qui a d'ailleurs fait l'objet d'une décision de la Cour suprême il y a 15 ans. «Le membre prend bien soin de dire qu'il ne contredit pas la Cour suprême sur un jugement rendu il y a 15 ans dans l'affaire Taylor, un cas similaire», explique Pierre Bosset, professeur du département des sciences juridiques et de science politique de l'UQAM. Me Bosset est un spécialiste des droits de la personne. «M. Taylor répandait des propos haineux par le téléphone et avait été condamné. Il contestait la constitutionnalité de la loi et le tribunal avait affirmé qu'il y avait bel et bien une atteinte à la liberté d'expression, mais qu'elle était justifiée.»

Le nouveau jugement, d'une instance mineure, s'appuie sur des modifications récentes (1998 et 2001) à la Loi canadienne sur les droits de la personne, explique encore le professeur. D'abord, un amendement a ajouté Internet dans les moyens de communication. Ensuite, et surtout, une modification a introduit la possibilité de condamner les fautifs à des «sanctions pécuniaires». M. Warman réclamait d'ailleurs 7500 $ à M. Lemire.

«Selon le membre du tribunal, ça change la nature de la loi en matière de propagande haineuse, explique le professeur. C'était une mesure civile. C'est devenu quasiment pénal. Il y a un effet intimidant.»

La structure se fissure à peine et l'édifice ne semble pas trop ébranlé. Le professeur Bosset peut d'autant moins prédire les conséquences du jugement que le tribunal administratif ne peut se prononcer sur la constitutionnalité de la loi, une prérogative des tribunaux civils de droit commun.

«Le membre se contente de dire qu'il n'appliquera pas la loi, nuance l'expert. Éventuellement, d'autres jugements, d'autres tribunaux mèneront peut-être vers la Cour suprême. Ça pourrait arriver.»

Le Congrès juif canadien (CJC) a rapidement manifesté le souhait que le jugement de M. Hadjis soit porté en appel. «Nous sommes sérieusement en désaccord avec sa décision de ne pas imposer une ordonnance de cessation et d'abstention», a déclaré Joel Richler, avocat-conseil honoraire du CJC.

Le professeur Bosset relativise alors l'impact de la décision. Il n'est pas plus possible maintenant qu'hier de dire n'importe quoi, n'importe comment, n'importe où. «L'article 13 demeure en vigueur. Une personne qui, de manière intentionnelle, répandrait des propos discriminatoires pourrait être trouvée coupable d'une violation de cet article 13. D'autre part, il reste tout le Code criminel, où on trouve des dispositions concernant la propagande haineuse.»

Bref, le navire ne prend l'eau que par un tout petit trou...»


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Warman v. Lemire, 2009 CHRT 26 (version anglaise, traduction à venir)
[http://chrt-tcdp.gc.ca/aspinc/search/vhtml-eng.asp?doid=981&lg=_e&isruling=0]

3. Commentaires questions
Il est abusif de parler d'inconstitutionnalité dans ce contexte car il s'agit d'un cas où la Charte a préséance mais la disposition pourrait s'appliquer dans d'autres cas.
Le Tribunal canadien des droits de la personne est un tribunal administratif fédéral soumis au pouvoir de révision de la Cour fédérale.
Rappel des dimensions civiles vs pénales d'une même situation; la dimension pénale n'a pas été abordée, ici; elle ne serait pas du ressort du TCDP mais d'une cour criminelle de première instance (laquelle varie d'une province à l'autre, conformément aux dispositions de la procédure pénale applicables).


4. Lien avec les modules du cours
Les droits de la personne sont abordés au module 4 et le droit des communications au module 11.

É.D.I.T./33-2009 Cours Éthique et culture religieuse vs liberté de conscience et de religion

Le 4 septembre 2009

1. Extrait du journal Le Devoir du 2 septembre 2009

«Cours Éthique et culture religieuse - Le tribunal déboute un groupe de parents/Lisa-Marie Gervais

Dur revers pour des parents de Drummondville qui contestaient le cours Éthique et culture religieuse: la Cour supérieure a statué qu'il n'attentait pas à la liberté de conscience et de religion. Déjà, les parents déboutés songeraient à porter cette décision en appel.Ce jugement fort attendu, premier de trois causes autour du controversé cours Éthique et culture religieuse, a ainsi semblé donner le ton: offrir obligatoirement ce cours dans les écoles primaires et secondaires du Québec ne contrevient pas à la Charte des droits et libertés de la personne.

«Le tribunal ne voit pas comment le cours d'éthique et de culture religieuse brime la liberté de conscience et de religion des demandeurs pour les enfants, alors que l'on fait une présentation globale de diverses religions sans obliger les enfants à y adhérer», a écrit le juge Jean-Guy Dubois, de la Cour supérieure du Québec à Drummondville, dans son jugement rendu public lundi.

Les demandeurs, Suzanne Lavallée et Daniel Jutras, contestaient également une décision qui devait contrevenir à la Loi sur l'instruction publique. Selon eux, des commissaires scolaires avaient refusé systématiquement toute demande d'exemption à ce cours sans prendre la peine d'évaluer les requêtes, un comportement qu'ils ont cru dicté par le ministère de l'Éducation.

La Coalition pour la liberté en éducation (CLÉ), qui souhaite que le cours devienne optionnel, s'est dite «déçue», mais surtout «suprise» par cette décision. Elle déplore que des témoignages favorables au cours, comme celui du Vatican, n'aient pas été retenus. «Je trouve aberrant que le jugement ne rapporte que l'opinion d'un seul théologien catholique de la défense et qu'on en fasse une cause de doctrine catholique», a indiqué Marie-Josée Croteau, résidante de Granby et présidente de la CLÉ. «Nous, on voulait que la cause serve à des parents d'autres religions. On fait quoi avec les enfants de familles athées ou qui ont d'autres croyances?»

Sylvain Lamontagne, très impliqué dans le mouvement s'opposant à ce nouveau cours né de la réforme, accueille le jugement avec tristesse. «On n'a pas commencé ça pour arrêter. Ça fait deux ans qu'on se bat. Nos parents et nos grands-parents se sont battus pour avoir des droits et pour qu'on protège la foi», a dit l'homme originaire de Valcourt, père de deux jeunes filles au secondaire. Toute l'année dernière, ses filles ont été retirées des 75 périodes d'une heure et quart du cours Éthique et culture religieuse. «Tant qu'on motivait l'absence, c'était correct. Mais c'était avant le verdict du juge. Là, je ne sais pas ce qu'ils vont faire, ils vont peut-être remonter la pression. Nous, on va aller jusqu'au bout», a-t-il insisté en affirmant que le cours «dispersait la foi» de ses filles, ce qui revenait à les «tuer de l'intérieur».

Répercussions

La commission scolaire Des Chênes, qui était mise en cause dans le procès, se réjouit de la décision du juge, qui lui a donné raison sur toute la ligne. «C'est un jugement qui était attendu [...], qui vient dire que non, ce cours ne va pas à l'encontre des droits fondamentaux. Ça vient donner un premier éclairage sur le plan légal», a noté le directeur général, Yvan Aubé.

Disant attendre la suite, la commission scolaire n'a pas l'intention pour l'instant de sanctionner les enfants qui n'assisteraient pas au cours Éthique et culture religieuse. «Il n'y aura pas d'exemptions [qui seront] accordées, et les parents qui ne voudront pas que leurs enfants suivent ce cours feront comme l'an dernier et viendront chercher l'enfant qui est retiré», a précisé M. Aubé.

L'an dernier, environ 140 demandes d'exemption avaient été formulées à la commission scolaire de la région du Centre-du-Québec tandis que cette année, une trentaine de demandes ont été reçues. Au total, en date du 23 juin 2009, 1742 demandes d'exemption à Montréal, la plus grosse au Québec, en a reçu 67 jusqu'ici.

Richard Décarie, porte-parole de la CLÉ, craint que le jugement décourage certains parents de contester le caractère obligatoire de ce cours. «Mais le noyau dur va continuer d'aller de l'avant. S'il y a un impact négatif chez les parents, c'est à nous de redoubler d'ardeur», a-t-il dit. «Les [parents demandeurs] sont ébranlés, car c'est beaucoup d'investissement personnel et en argent. Les avocats sont confiants qu'ils peuvent gagner, mais c'est à eux de prendre la décision.»

Deux autres causes de même nature pourraient être influencées par ce jugement. À Granby, la commission Val-des-Cerfs, qui avait suspendu six élèves de 4e secondaire qui avaient boycotté le cours Éthique et culture religieuse, avait finalement été obligée, à la suite d'une injonction, de lever ses suspensions jusqu'à ce que la cause de Drummondville soit entendue.

Une autre cause, celle d'un collège anglophone privé de Montréal, devrait connaître un dénouement sous peu. Cette école secondaire administrée par des jésuites conteste en effet la décision du ministère de l'Éducation, qui lui refuse la possibilité de donner son propre cours ayant un point de vue catholique, plutôt que le nouveau cours Éthique et culture religieuse.

Le ministère de l'Éducation du Québec n'a pas voulu commenter le jugement, affirmant qu'il était porté en appel par les parents. Or, une telle allégation a été démentie par la Coalition pour la liberté en éducation et les avocats au fait du dossier.»




2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Lavallée c. Commission scolaire des Chênes, 2009 QCCS 3875 (CanLII), SOQUIJ AZ-50573325
[http://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2009/2009qccs3875/2009qccs3875.html].
Le texte comprend 141 paragraphes.

Le caractère obligatoire du cours «Éthique et culture religieuse», qui fait une présentation globale de diverses religions sans obliger les enfants à adhérer à celles-ci, ne brime pas la liberté de conscience et de religion des demandeurs, des parents d'enfants de confession catholique.
[Résumé de La Dépêche]


3. Commentaires, questions
Ne pas confondre la liberté de religion, garantie par les Chartes et le contenu de l'enseignement une prérogative du Gouvernement qui agit sous l'autorité de la loi.
Une commission scolaire est une personne morale constituée en vertu de la Loi sur l’instruction publique, L.R.Q. c. I-13.3
Le Régime pédagogique est établi par règlement adopté en vertu de la Loi sur l’instruction publique

4. Lien avec les modules du cours
Les Chartes des droits sont mentionnées au module 4
Le lien entre la religion et le droit est présenté au module 10 in fine
Le droit de l'éducation se trouve dans le module 10 également.
Le lien entre une loi et un règlement est expliqué au module 6.
Au paragraphe [10], le juge cite la Procureure générale [par. 139 de l'intervention] qui invoque le Journal des débats, pour éclairer l'intention du législateur.
Les paragraphes [11] à [19] du jugement font un rappel historique des modifications survenues depuis l'amendement constitutionnel de 1997.

jeudi 27 août 2009

É.D.I.T./32-2009 Droit d'auteur et plagiat (affaire Robinson)

Le 27 août 2009

1. Extrait du bulletin de nouvelles de Radio-Canada le 27 août 2009:

Au terme d'une bataille juridique de 14 ans qui l'a lessivé de 2,4 millions de dollars en frais d'avocats, Claude Robinson a remporté une victoire marquante, mercredi matin, en Cour supérieure du Québec contre Cinar et d'autres maisons de production.

Les fondateurs et principaux actionnaires de Cinar sont Micheline Charest (aujourd'hui décédée) et Ronald Weinberg. Parmi les autres intimés cités dans le jugement figurent RTV, Izard France Animation, Davin et Ravensburger.

Dans un jugement de 240 pages, le juge Claude Auclair accorde 5,2 millions de dollars à l'auteur de Robinson Curiosité.

De ces 5,2 millions:

  • 607 000 $ sont accordés pour des droits d'auteur dont Claude Robinson a été privé
  • 1,7 million de dollars sont accordés pour une portion des profits encaissés par Cinar et par d'autres maisons de production dans cette affaire
  • 400 000 $ sont accordés pour les préjudices psychologiques endurés par Claude Robinson
  • 1 million en dommages exemplaires
  • 1,5 million en frais d'avocats

On ignore pour le moment si Cinar et les autres producteurs porteront ce jugement en appel. L'avocat de Cinar, Pierre Lefebvre, s'est dit déçu et surpris. Il affirme qu'il va consulter ses clients pour la suite des choses. La maison de production a trente jours pour porter la cause en appel.

Le fait de regagner mon oeuvre, le fait que mes droits d'auteur soient reconnus... Je suis particulièrement touché.

— Claude Robinson

Visiblement heureux, le scénariste québécois a déclaré qu'il avait toujours cru en la justice, même si son attitude lui a valu d'être traité de « rêveur » et de « lunatique ».


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Robinson c. Films Cinar inc., 2009 QCCS 3793 (CanLII)[http://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2009/2009qccs3793/2009qccs3793.html],
jugement rendu le 26 août 2009, 1122 paragraphes sur 241 pages.

3. Commentaires, questions
Cette décision majeure fera date. Elle aborde tous les aspects complexes de la création littéraire à un degré rarement atteint auparavant. Le juge emploie un langage critique et sévère à l'endroit de la défenderesse.
Ce jugement illustre à merveiile la nécessité de prendre en considération le détail dans les faits pour en tirer une conclusion juridique; c'est le rôle de la preuve de faire valoir ses prétentions juridiques.

4. Lien avec les modules du cours

La propriété intellectuelle est globalement présentée au module 4 et étudiée dans ses déclinaisons dans d'autres modules.
Le doit d'auteur en particulier est abordé au module 10.

lundi 8 juin 2009

É.D.I.T./31-2009 Poursuites abusives--CPC--Liberté d'expression

Le 8 juin 2009

1. Extrait du journal Le Devoir du 8 juin 2009:

Loi contre les poursuites abusives - Les tribunaux devront protéger la liberté d'expression
Collectif

En adoptant la loi 9 jeudi dernier, l'Assemblée nationale du Québec s'est engagée à protéger la liberté d'expression et la participation des citoyens au débat public et a signifié par le fait même le caractère central qu'occupe cette participation pour la démocratie québécoise. Cette adoption représente, à bien des égards, une importante victoire pour la société civile du Québec. Celle-ci fait suite à plus de trois ans de mobilisation populaire contre les poursuites-bâillons et fera prochainement du Québec la seule juridiction canadienne à disposer de dispositions anti-SLAPP.Le processus législatif ayant conduit à l'adoption du projet de loi 9, Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l'utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d'expression et la participation des citoyens aux débats publics, a été extensif. Dès 2006, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) et le Comité de restauration de la rivière Etchemin (CREE) ont lancé Citoyens, taisez-vous!, une vaste campagne de mobilisation populaire sur les SLAPP.

Consultations

Ces organismes ont mis en évidence les menaces que représentent les poursuites-bâillons pour la liberté d'expression et le droit à la participation publique des citoyennes et citoyens du Québec. Cette mobilisation a servi de déclencheur à un processus de consultation publique sur les poursuites-bâillons ayant pris place en commission parlementaire en février et en octobre 2008.

Des dizaines de groupes ont participé à ces consultations, rédigé des mémoires et communiqué à la classe politique québécoise l'urgence d'agir sur la question. La pertinence de l'adoption d'une législation devant contrer les poursuites-bâillons fait consensus au Québec. Seuls quelques groupes, représentant des intérêts bien spécifiques, se sont montrés réfractaires à une telle initiative.

Contrer les poursuites

Rappelons que la loi 9 met en place une série de mécanismes spécifiques devant permettre de contrer plus efficacement les poursuites abusives, notamment par l'inversion du fardeau de la preuve à la faveur du défendeur lorsque la procédure apparaît abusive, en permettant le rejet préalable de celle-ci ou, à défaut, l'octroi d'une provision pour frais offrant au défendeur la possibilité de voir financer sa défense par la partie adverse. Cette loi permet également de faire condamner individuellement au paiement de dommages-intérêts les administrateurs et les dirigeants d'une personne morale à l'origine d'une poursuite abusive et étend cette même condamnation à toute partie ayant lancé ce genre de poursuites.

L'enjeu fondamental auquel nous sommes désormais confrontés est celui de l'interprétation que les tribunaux québécois seront amenés à faire de ces nouvelles dispositions. L'intention du législateur est claire; la modification du Code de procédure civile doit servir à prévenir l'utilisation abusive des tribunaux, à favoriser le respect de la liberté d'expression et à soutenir la participation citoyenne aux débats publics. La magistrature devra interpréter les dispositions de la loi 9 en tenant compte des intentions du législateur. Il s'agit ainsi de transformer notre culture judiciaire d'une manière à favoriser le rejet et la pénalisation des poursuites abusives.

Parole citoyenne

Quelques dossiers seront certainement appelés à mobiliser et à tester prochainement les mesures contenues dans la loi 9. Les Éditions Écosociété se saisiront des outils législatifs maintenant à leur disposition, de même Serge Galipeau et Christine Landry, deux citoyens de Cantley, en Outaouais, poursuivis pour 1,25 million de dollars. L'efficacité de cette loi reposera ainsi sur l'interprétation qu'en donneront les tribunaux.

Or le message qui leur a été envoyé par le législateur et la société québécoise est clair: la protection de la liberté d'expression et du droit à la participation publique requiert que soient interprétés généreusement les articles du Code de procédure civile leur conférant le pouvoir et la responsabilité d'éviter que soit bâillonnée la parole citoyenne.

***

Ont signé ce texte: André Bélisle, président de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, Ghislain Provençal, président du Comité de restauration de la rivière Etchemin (CREE), Élodie Comtois, responsable des communications des Éditions Écosociété et Yvan Croteau, président du Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE) et Dominique Peschard, président de la Ligue des droits et libertés.



2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Le projet de loi 9, Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l'utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d'expression et la participation des citoyens aux débats publics, L.Q 2009, c.12, entre en vigueur le jour de sa sanction, le 4 juin 2009.


3. Notes explicatives du projet

Ce projet de loi modifie le Code de procédure civile en vue de favoriser le respect de la liberté d'expression et de prévenir l'utilisation abusive des tribunaux qui pourrait être faite au moyen de procédures, notamment pour limiter le droit des citoyens de participer à des débats publics.
À cette fin, ce projet de loi prévoit des dispositions permettant notamment de prononcer rapidement l'irrecevabilité de toute procédure abusive. Il prévoit ce qui peut constituer une procédure abusive et autorise, lorsque l'abus est sommairement établi, le renversement du fardeau de la preuve.En outre, il permet aux tribunaux notamment d'ordonner le versement d'une provision pour frais, de déclarer la poursuite abusive, de condamner une partie au paiement des honoraires et débours extrajudiciaires de l'autre partie, ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts punitifs.


4. Commentaires questions

Pour consulter le journal des débats, suivez ce lien:
http://www.assnat.qc.ca/Indexweb/Recherche.aspx?cat=v&Session=jd39l1se&Section=projlois&Requete=_1-99


5. Lien avec les modules du cours

La procédure civile est brièvement présentée au module 7.
La liberté d'expression est rappelée aux modules 4 et 11.

mardi 7 avril 2009

É.D.I.T./30-2009 Autorité parentale--Questions routinières--Résidence de l'enfant

Le 7 avril 2009

1. Extrait du journal Le Devoir du 7 avril 2009 :


«Conflit père-fille: la Cour d'appel donne raison à l'enfant/BRIAN MYLES

Une adolescente qui avait défié l'autorité de son père devant les tribunaux pour participer à un voyage scolaire a de nouveau obtenu gain de cause, hier en Cour d'appel. Dans une décision unanime, le plus haut tribunal du Québec confirme que la jeune fille pouvait bel et bien participer à ce voyage de fin d'études primaires à Québec, malgré l'interdiction de son père insatisfait de son comportement.

La mère était d'accord avec sa fille, et elle devait assumer les coûts de ce voyage qui a eu lieu en juin 2008. Il aura quand même fallu que la jeune fille de 12 ans saisisse la Cour supérieure du litige pour obtenir la permission de participer au voyage.

Le père a tenu à en appeler du jugement pour faire reconnaître son autorité. Cette histoire, sur fond de divorce acrimonieux, révèle un véritable conflit relatif à l'exercice de l'autorité parentale que la Cour d'appel tranche assez simplement.

En vertu du Code civil, l'autorité parentale appartient d'office aux deux parents. Ni l'un ni l'autre ne bénéficie d'une autorité plus grande ou d'un droit de veto.

Au quotidien, l'autorité est exercée par le parent chez qui réside l'enfant. «En réalité, la responsabilité de la prise de décision pour les questions routinières suit l'enfant», explique la Cour d'appel. Comme la jeune fille habitait en permanence avec sa mère au moment du litige, il lui revenait de prendre la décision.

L'autre parent peut toujours s'adresser aux tribunaux s'il juge que la sécurité, le développement ou la santé de l'enfant sont compromis. Les mineurs peuvent aussi saisir les tribunaux de problèmes reliés à l'exercice de l'autorité parentale. Par contre, la Cour supérieure «n'est pas le lieu de solution de querelles d'un enfant insatisfait de la décision de l'un de ses parents, à moins que sa santé, sa sécurité ou son éducation ne soit mise en péril», avertit la Cour d'appel.»



2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Droit de la famille — 09746, 2009 QCCA 623 rendue le 6 avril 2009. [http://www.jugements.qc.ca/php/decision.php?liste=36457209&doc=04525F5900461F06]. La décision compte 66 paragraphes.

3. Commentaire
On a ici un bel exemple du pragmatisme des décisions judiciaires, oui, les parent conservent tous deux l'autorité parentale, mais il est logique que dans la vie quotidienne et sur des questions routinières ce soit le parent avec qui l'enfant habite qui ait le dernier mot.


4. Lien avec les modules du cours

L'autorité parentale est présentée au module 2.

Qui êtes-vous ?

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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval