Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

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Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

dimanche 27 avril 2008

É.D.I.T./23 -2008 Chiens renifleurs--Fouilles sans mandat-- Charte des droits



Le 27 avril 2008

1. Extrait du journal Le Devoir du 26 avril 2008:

«Il faudra plus que du pif aux chiens renifleurs
La Cour suprême impose des balises aux fouilles sans mandat

Le temps où les corps policiers canadiens pouvaient aller à la pêche aux substances illicites avec des chiens renifleurs est terminé. La Cour suprême a rendu hier deux jugements qui imposent désormais qu'un «soupçon raisonnable» justifie toute fouille effectuée par un chien dans des lieux publics comme les gares, les écoles ou les parcs. Autrement dit: interdiction d'y aller au pif.
Les deux dossiers étudiés par le plus haut tribunal du pays touchent le droit garanti par la Charte des droits et libertés concernant la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. La cour a statué que «l'impression qu'un individu se livre à une activité criminelle» et «la seule intuition du policier, basée sur son expérience», ne suffisaient pas pour entamer une fouille. À défaut de quoi on contrevient à la Charte.

Dans un premier cas, un sergent de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a procédé à l'arrestation d'un voyageur dans un terminal d'autobus de Calgary. Motif: le comportement du passager lui avait semblé louche. Le suspect avait lancé un «long regard» au policier en descendant de l'autobus, puis s'était éloigné rapidement du véhicule sans récupérer aucun bagage.

Quand le policier est allé lui poser quelques questions et lui a demandé d'ouvrir son sac, le suspect a montré des signes de panique. Un autre sergent s'est alors présenté avec un chien-renifleur: le chien s'est immédiatement assis, indiquant la présence de drogue dans le sac. Les policiers ont mis le suspect en état d'arrestation, puis ont fouillé le sac, qui contenait effectivement 17 onces de cocaïne.

Le deuxième jugement concerne une perquisition faite à l'école secondaire St. Patrick's de Sarnia, en Ontario. Dans cette école, le directeur avait mis sur pied une politique de tolérance zéro en matière de drogues. Il avait dans la foulée lancé une «invitation ouverte» aux policiers locaux pour qu'ils viennent dans l'établissement avec des chiens-renifleurs, question de débusquer les petits revendeurs.

Ce qui a été fait. Trois policiers se sont présentés le 7 novembre 2002 avec un chien. «Au procès, ils ont admis qu'ils ne disposaient d'aucune information confirmant la présence de drogues à l'école à ce moment et ils ont volontiers reconnu qu'ils n'avaient aucun motif leur permettant d'obtenir un mandat de perquisition», indique la Cour suprême.

Ils ont donc fouillé l'école, les élèves restant confinés dans les classes. Et dans le gymnase, le chien-renifleur a découvert de la marijuana et des champignons magiques dans un sac à dos.

Pas de pêche

Pour la Cour suprême, les chiens (et surtout les policiers) ont erré. «Ce qu'elle vient dire aujourd'hui, c'est que les policiers ne peuvent plus aller à la pêche», indique le criminaliste Robert La Haye.

«S'ils n'ont pas de mandat de perquisition, qu'il n'y a pas d'enjeux de sécurité ou d'urgence et qu'il n'y a pas de soupçon raisonnable permettant de penser qu'une personne cache quelque chose d'illégal, on ne peut procéder à une fouille en supposant qu'elle donnera quelque chose. Sinon, c'est une fouille abusive qui contrevient à la Charte», dit-il.

Si les deux décisions n'ont pas fait l'unanimité chez les magistrats (les jugements sont d'ailleurs truffés de points en dissidence), les juges majoritaires écrivent que les fouilles effectuées -- le tribunal considère qu'un chien qui renifle un sac à distance effectue une fouille -- à Calgary et en Ontario n'étaient pas justifiées et qu'elles portaient atteinte à la vie privée.

«Les adolescents ne s'attendent pas vraiment à ce que leur vie privée échappe aux regards attentifs et aux fouilles de leurs parents, écrivent les juges. Mais ils s'attendent à ce que la police ne puisse pas, en se fondant sur des conjectures, procéder au hasard à l'examen du contenu de leurs sacs à dos, destiné à être tenu secret, et dissimulé dans un espace fermé à l'égard duquel l'accusé avait une attente permanente en matière de vie privée.»

De même, on indique qu'il «n'y a aucun doute que les hommes et les femmes d'affaires ordinaires qui utilisent les transports en commun ou les ascenseurs des tours à bureaux seraient outrés si on laissait entendre que la police peut inspecter au hasard le contenu de leurs serviettes même en l'absence de soupçons raisonnables qu'un acte illégal est commis».

Aéroports

Les jugements d'hier serviront donc pour encadrer les fouilles effectuées dans différents lieux publics. Toutefois, ils ne pourront s'appliquer dans les aéroports, régis par des lois spécifiques qui établissent que les voyageurs doivent s'attendre à être fouillés.

Ils ne concernent pas non plus les fouilles organisées par les écoles elles-mêmes (sans la participation de policiers mais avec celle d'agences privées), comme celle qui a été effectuée il y a quelques jours dans une école des Laurentides.

Mais on sait qu'au Québec plusieurs fouilles ont été effectuées par la police au fil des années dans des écoles où on soupçonnait que de la drogue circulait.

Invitée à réagir aux jugements, la GRC a indiqué au Devoir que ceux-ci seraient étudiés et que les changements qui devront être apportés aux modes de fonctionnement le seront rapidement. Quelque 140 unités de la GRC ont des chiens-renifleurs.

Du côté du ministère de la Justice, à qui l'Agence des services frontaliers transférait les appels hier, aucun commentaire étoffé ne sera fait avant que l'analyse des jugements ne soit terminée.

Finalement, la Sûreté du Québec a mentionné que ses interventions en milieu scolaire sont rares et ont toujours été faites un mandat en main.»


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)

Il s'agit des décisions
R. c. Kang-Brown, 2008 CSC 18 (CanLII),
[http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2008/2008csc18/2008csc18.html]
256 paragraphes
et
R. c. A.M., 2008 CSC 19 (CanLII),
[http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2008/2008csc19/2008csc19.html]
191 paragraphes


3. Commentaire et explication

Nous ne commenterons qu'un aspect. Comme il s'agit d'arrêts majoritaires mais non unanimes, il faut s'attendre à des nouveaux ajustements et à de nouvelles nuances dans d'autres situations.
Il faudra tenir compte de la présence ou non de mandats, de motifs ou non, des lieux (ratione loci), aéroports, écoles, lieux publics, lieux privés etc. D'autres lois pourraient apporter un éclairage différent : terrorisme, sécurité publique, lutte au crime organisé etc.
Bel exemple de nuance « Les soupçons « raisonnables » sont plus que de simples soupçons, mais ils ne correspondent pas à une croyance fondée sur des motifs raisonnables et probables».


4. Lien avec les modules du cours

La Charte est présentée au module 4. L'article 8 de la Charte est particulièrement pertinent:«Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.»
La procédure pénale est présentée au module 20 [disponible en juin 2008].

dimanche 6 avril 2008

É.D.I.T./22- -2008 Zonage municipal et religion

Le 6 avril 2008

1. Manchette du journal Le Devoir du 4 avril 2008

Val-Morin - Les hassidiques rappelés à l'ordre par la Cour d'appel

La communauté Belz se rendra jusqu'en Cour suprême pour sauver sa synagogue et son école illégales
Il n'y aura pas d'accommodement raisonnable pour la communauté juive hassidique de Val-Morin: la Cour d'appel a donné raison à la municipalité mercredi en décrétant que la liberté de religion des juifs n'est pas brimée par l'application d'un règlement municipal. Une cause qui pourrait faire jurisprudence.

2. Précisions juridiques (référence contexte etc)

Il s'agit de la décision, Congregation of the Followers of the Rabbis of Belz to Strengthen Torah c. Val-Morin (Municipalité de), 2008 QCCA 577, rendue le 2 avril 2008. La décision comprend 65 paragraphes.
[http://www.jugements.qc.ca/php/decision.php?liste=28736829&doc=47095748025B1901].


3. Commentaires questions

Cette décision pose la question de la limite de la liberté de religion dans le cadre de l'aménagement du territoire. Il ne suffit pas d'invoquer la religion pour suspendre les lois et règlements relatifs à la vie en société.


4. Lien avec les modules du cours

La religion fait l'objet d'une brève mention au module 10.
Le zonage municipal est étudié au module 9.
L'accommodement raisonnable est mentionné au module 17 et précisé dans le document IGD/89.

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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval