Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

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Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

vendredi 17 février 2012

É.D.I.T./59-2012 Conscience et religion vs Cours Éthique et culture religieuse

             

1. Extrait du bulletin de nouvelles de Radio-Canada du 17 février 2012 :

«Cours d'éthique et culture religieuse : la Cour suprême refuse d'accorder l'exemption

Les parents de Drummondville qui demandaient que leurs enfants soient exemptés du cours d'éthique et culture religieuse (ÉCR) ont perdu leur cause devant la Cour suprême du Canada.
Le plus haut tribunal du pays conclut que les plaignants « n'ont pas fait la preuve que le programme ÉCR portait atteinte à leur liberté de religion ni, par conséquent, que le refus de la commission scolaire d'exempter leurs enfants du cours ÉCR contrevenait à leur droit constitutionnel ».
Les parents, ajoutent les juges, « n'ont également démontré aucune erreur justifiant d'écarter la conclusion du juge de première instance selon laquelle la décision de la commission scolaire n'avait pas été prise sous la dictée d'un tiers. »
Les parents et la Commission scolaire des Chênes demandaient que leur enfant soit exempté de ce cours, tentent de faire infirmer la décision rendue en 2009 par la Cour supérieure du Québec. Cette dernière avait jugé que le cours ne contrevenait pas à la Charte des droits et libertés de la personne en matière de liberté de conscience et de religion.
Plus de détails à venir sur ce jugement.
De la liberte de conscience et de religion
Selon la Coalition pour la liberté en éducation, 2000 autres parents se sont vu refuser une demande d'exemption à ce cours pour leur enfant. Lors de la mise en place du programme en 2008, le ministère de l'Éducation avait annoncé publiquement qu'il n'y aurait pas d'exemptions.
Dans son jugement, le juge de la Cour supérieure, Jean-Guy Dubois, écrivait à l'époque que « le tribunal ne voit pas comment le cours d'éthique et de culture religieuse brime la liberté de conscience et de religion des demandeurs pour les enfants, alors que l'on fait une présentation globale de diverses religions sans obliger les enfants à y adhérer ».


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision S.L. c. Commission scolaire des Chênes, 2012 CSC 7 (CanLII).
Rendue le 17 février 2012. Unanime. 59 paragraphes

3. Commentaires, questions

Cette décision a une valeur récapitulative et pédagogique (sans jeu de mot) sur la délicate question de la religion à l’école et, plus généralement, dans la société :
[10]                          La place de la religion dans la vie civile est source de débats publics depuis les débuts des civilisations. La dissolution progressive des liens entre l’Église et l’État au Canada s’inscrit dans un large mouvement de laïcisation des institutions publiques dans les pays occidentaux (M. H. Ogilvie,Religious Institutions and the Law in Canada (3e éd. 2010), p. 26 et 30; voir également Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c. Lafontaine (Village), 2004 CSC 48 (CanLII), 2004 CSC 48, [2004] 2 R.C.S. 650, par. 67-68, le juge LeBel). En effet, la neutralité religieuse est maintenant perçue par de nombreux États occidentaux comme une façon légitime d’aménager un espace de liberté dans lequel les citoyens de diverses croyances peuvent exercer leurs droits individuels (voir J. Woehrling, « La place de la religion dans les écoles publiques du Québec » (2007), 41 R.J.T. 651; D. Grimm,  « Conflicts Between General Laws and Religious Norms » (2009), 30 Cardozo L. Rev. 2369).
[17]                          Le contexte historique, politique et social de la fin du XXe siècle, l’adoption des Chartes québécoise et canadienne et l’interprétation de la liberté de religion par les tribunaux canadiens ont joué un rôle important dans la décision de l’État québécois de demeurer neutre en matière religieuse. S’il est vrai que, à la différence de la Constitution américaine, la Charte canadienne ne limite pas explicitement l’appui que l’État peut apporter à une religion, les cours canadiennes ont néanmoins jugé que le parrainage par l’État d’une tradition religieuse est discriminatoire à l’égard des autres.
Les §§ 22 et 23 exigent une preuve de l,atteinte aux droits.
[27]                          Pour s’acquitter de leur fardeau à l’étape de la preuve de l’atteinte, les appelants devaient démontrer que le programme ÉCR constituait, objectivement, une entrave à leur capacité de transmettre leur foi à leurs enfants. Ce n’est pas l’approche qu’ils ont adoptée. Ils ont plutôt prétendu qu’il leur suffisait d’affirmer que le programme portait atteinte à leur droit (m.a., par. 126). Comme je l’ai expliqué ci-dessus, l’affirmation des appelants que des motifs religieux sont à l’origine de leur objection à la participation de leurs enfants au cours ÉCR ne suffit pas. C’est donc à bon droit que le juge Dubois de la Cour supérieure a rejeté cette interprétation. Il s’est exprimé ainsi : « Il n’est pas tout de dire avec sincérité qu’on est catholique pratiquant pour prétendre qu’une présentation globale de différentes religions puisse nuire à celle que l’on pratique (par. 51). »

[40]                          Les parents qui le désirent sont libres de transmettre à leurs enfants leurs croyances personnelles. Cependant, l’exposition précoce des enfants à des réalités autres que celles qu’ils vivent dans leur environnement familial immédiat constitue un fait de la vie en société.  Suggérer que le fait même d’exposer des enfants à différents faits religieux porte atteinte à la liberté de religion de ceux-ci ou de leurs parents revient à rejeter la réalité multiculturelle de la société canadienne et méconnaître les obligations de l’État québécois en matière d’éducation publique. Bien qu’une telle exposition puisse être source de frictions, elle ne constitue pas en soi une atteinte à l’al. 2a) de la Charte canadienne et à l’art. 3 de la Charte québécoise.


4. Lien avec les modules du cours

Les questions relatives à l’éducation et à la religion sont abordées au Module 10.  
La Charte canadienne fait l’objet d’une brève présentation au Module 4.
Sur le caractère du droit Modules 1 et 5 :
[31]                          Il faut aussi accepter que, d’un point de vue philosophique, la neutralité absolue n’existe pas. Quoi qu’il en soit, l’absolu est une notion dont s’accommode difficilement le droit.

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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval