Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

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Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

vendredi 25 janvier 2013

É.D.I.T./68-2013 Décision CSC conjoints de fait--Eric c. Lola

1. Extrait du bulletin de nouvelles de Radio-Canada du 25 janvier 2013 :
«Droit des conjoints de fait : Lola déboutée en Cour suprême

La Cour suprême du Canada met un terme à la saga judiciaire de Lola contre Éric en statuant que le régime québécois des conjoints de fait est constitutionnel et que le fait d'exclure ce type d'union de certains droits accordés aux couples mariés est tout à fait conforme à la Charte des droits et libertés.
Dans un jugement partagé de 5 juges contrte 4, le plus haut tribunal du pays donne raison au gouvernement du Québec dans cette affaire  et consacre donc le statu quo en matière d'union libre pour 1,2 million de Québécois qui ont opté pour ce type d'union.
Dans cette affaire, Lola - prénom fictif pour préserver l'anonymat de ses trois enfants mineurs - réclamait une pension alimentaire pour elle-même et l'accès au patrimoine financier de son ex-conjoint de fait, un homme d'affaires multimillionnaire.
La Cour suprême devait décider s'il fallait maintenir ou non un jugement antérieur de la Cour d'appel du Québec, qui avait donné en partie raison à Lola en novembre 2010.
Les juges avaient alors statué qu'il est discriminatoire de priver les conjoints de fait qui se séparent de la possibilité d'obtenir une pension alimentaire pour leurs propres besoins.
Les magistrats avaient toutefois refusé à Lola le partage du patrimoine de son ex-conjoint. Lola avait été déboutée en Cour supérieure du Québec en juillet 2009, avant de porter sa cause en appel.
Quelques semaines après le jugement de la Cour d'appel, le gouvernement du Québec a décidé de porter cette cause devant la Cour suprême. Le ministre de la Justice de l'époque, Jean-Marc Fournier, avait estimé que la décision rendue par la Cour d'appel brimait le droit des conjoints vivant en union libre de profiter de leur liberté de choix. C'est-à-dire de décider eux-mêmes entre une union civile ou religieuse régie par le droit matrimonial ou encore une union libre sans principe d'obligation alimentaire entre les conjoints.
Au Canada, le Québec est la seule province où le droit ne prévoit aucune obligation alimentaire entre conjoints de fait.
Union de fait vs mariage

Les conjoints mariés ont accès à une série de protections, dont le droit de demander une pension alimentaire, la protection de la résidence familiale et le partage du patrimoine familial.

Par contre, au Québec, les conjoints de fait, en vertu du Code civil, n'ont aucun droit, devoir, ni obligation l'un envers l'autre. En cas de rupture, ils ne peuvent exercer aucun recours alimentaire, ni demander le partage du patrimoine familial, à moins d'avoir conclu une entente écrite en ce sens.

En ce qui concerne les enfants, la loi leur accorde les mêmes droits, peu importe qu'ils soient issus d'un mariage, d'une union civile ou d'une union de fait.»

2. Précisions juridiques (référence contexte etc)

Il s'agit de la décision Québec (Procureur général) c. A, 2013 CSC 5 (CanLII)
rendue le 25 janvier 2013. Il s’agit d’une longue décision de 450 paragraphes.
Pour en faciliter la lecture, puisqu’il y a des dissidences, tenons compte du partage suivant :
Motifs de jugement : (par. 1 à 282) Le juge LeBel (avec l’accord des juges Fish, Rothstein et Moldaver)--Motifs dissidents quant au résultat : (par. 283 à 381) La juge Abella-Motifs dissidents en partie quant au résultat : (par. 382 à 409) La juge Deschamps (avec l’accord des juges Cromwell et Karakatsanis)--Motifs concordants quant au résultat : (par. 410 à 450) La juge en chef McLachlin.
Note : La décision de la Cour d’appel a fait l’objet de l’É.D.I.T./47-2010 Conjoints de fait--Aliments--Art. 585


3. Commentaires, questions
3.1 Le jugement de la Cour suprême ne porte  porte pas seulement sur la pension alimentaire, que le Code, à l’article 585, appelle des aliments mais également sur l’ensemble du droit  familial québécois :   la résidence familiale (art. 401 et suiv.), le patrimoine familial (art. 414 et suiv.), la prestation compensatoire (art. 427 et suiv.), la société d’acquêts (art. 432 et suiv.) et l’obligation alimentaire entre conjoints (art. 585). En ce sens elle va plus loin que la CA.
3.2 La clé se trouve dans le jugement de 1ère instance, rappelé au § 17 :
« Comme les distinctions entre les droits et obligations des conjoints mariés et ceux des conjoints de fait reflètent les choix effectués par ces personnes, les conséquences de ces choix ne porteraient pas atteinte à l’art. 15. »
3.3 Sociologie du droit : 1 000 000 de personnes, 35% des couples.
60% des enfants; rappelons que les enfants ont, depuis 1970, les mêmes droits que leurs parent soient mariés ou pas.
3.4 Le débat revient dans la sphère politique; il faut revoir le modèle québécois, selon le professeur Alain Roy de l’Université de Montréal et expert-conseil du Gouvernement du Québec dans cette affaire. Le ministre de la Justice ne ferme pas la porte à une réflexion globale sur la qustion.
3.5 Les §§ 51 et suivants offrent un intéressant  Rappel historique de la situation des conjoints mariés et développement du cadre juridique de leurs rapports
3.6 Les §§ 100 et ss font de même :  Rappel historique de la situation des conjoints de fait sous le Code civil du Bas Canada jusqu’aux réformes de 1980 et Politique législative à l’égard de l’union de fait à la suite de la réforme de 1980.
3.7 Le § 121 comporte une liste des des  lois statutaires assimilant les conjoints de fait aux époux et aux conjoints unis civilement dans des lois diverses.

4. Lien avec les modules du cours

Les notions d’aliments et de conjoint sont présentées au Module 2. La Charte canadienne est évoquée dans ses grandes lignes au Module 4. Le rôle créateur des tribunaux dans l’élaboration du droit est abordé au Module 7.








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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval