Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

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Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
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dimanche 11 novembre 2007

É.D.I.T./ 9-2007 Accommodement sexiste--Hôpital juif de Montréal


Le 11 novembre 2007

1. Extrait du journal Le Devoir du 6 novembre 2007 p.A 1 :

«L'Hôpital général juif de Montréal est condamné pour accommodement sexiste

L'établissement devra verser 15 000 $ à deux préposées aux bénéficiaires victimes de discrimination basée sur le sexe

L'Hôpital général juif de Montréal et le syndicat des employés ont été condamnés solidairement à payer 15 000 $ à deux préposées aux bénéficiaires écartées de leur travail en raison de leur sexe pour satisfaire essentiellement des patients juifs orthodoxes.

La décision, rendue hier par le Tribunal des droits de la personne, porte autant sur les accommodements raisonnables que sur le droit du travail. Elle déconstruit une politique de «sexualisation des postes» carrément discriminatoire adoptée par la direction de l'Hôpital en 1999, avec le consentement du syndicat.

Cette politique vise à respecter les convictions religieuses des patients qui veulent être soignés par des préposés de leur sexe. Dans les faits, la politique de «sexualisation» a empêché Mary Smith et Jennifer Bennett d'accéder à des postes permanents, puisque ces postes ont été réservés aux hommes. Les deux préposées surnuméraires ont été confrontées à une réduction du nombre et de la durée des quarts de travail disponibles pour les femmes. Par effet de ricochet, elles ont éprouvé des difficultés à subvenir aux besoins de leurs familles respectives en raison d'une baisse de leurs revenus et niveaux de vie.

Dans cette affaire, le Tribunal des droits de la personne a dû pondérer les droits des patients en lien avec l'intégrité de la personne, la vie privée et la liberté de religion et le droit des préposées aux bénéficiaires d'être traitées en toute égalité au travail, sans discrimination fondée sur le sexe.

L'entente de sexualisation a été conclue explicitement pour des raisons religieuses, en novembre 1999, afin de «respecter le désir des patients de recevoir des soins intimes par une personne de même sexe que le leur». La politique existait depuis plus de 25 ans, mais elle n'avait jamais été couchée sur papier.

L'Hôpital général juif se décrit dans ses propres documents publics comme un établissement non confessionnel et ouvert à tous, mais cherche toutefois à maintenir un environnement «respectueux des valeurs préconisés par la religion juive». Un peu plus du tiers de ses patients sont de confession juive. Or, la Torah et les lois talmudiques (observées par une minorité de juifs orthodoxes) interdisent tout contact physique entre personnes de sexe opposé qui ne sont pas unies par les liens sacrés du mariage. La seule exception s'applique aux soins donnés par un médecin. Cependant, 87 % des membres de la communauté juive n'adhèrent pas à cette vision orthodoxe de l'administration des soins intimes. Le respect du patient et de sa préférence devient alors la règle, a expliqué devant le Tribunal le Dr Victor Goldbloom, expert sur l'éthique et l'interprétation de la religion juive dans les hôpitaux.

Dans sa version écrite, la politique a mené à la création de deux catégories de postes: «orderly» pour les hommes, et «nurse's aide» pour les femmes. Ces termes faisaient partie du langage courant à l'Hôpital juif depuis 25 ans; ils reflétaient l'organisation informelle du travail voulant que les préposés aux bénéficiaires s'occupent toujours des patients du même sexe que le leur.

La sexualisation des postes est la norme dans la prestation de soins intimes, comme en font foi de nombreuses sentences arbitrales rendues dans les 25 dernières années. Les contestations syndicales à ce sujet ont presque toutes échoué. Selon la jurisprudence, le non-respect des demandes de sexualisation équivaut à une violation du droit fondamental des patients de recevoir des soins intimes d'un préposé du sexe de leur choix.

Le Tribunal des droits de la personne ne remet aucunement en question ce droit des patients. «Le respect du choix des bénéficiaires pour leurs soins intimes s'impose, peu importe le motif invoqué, qu'il soit religieux, culturel, thérapeutique ou autres. Il importe de traiter les bénéficiaires avec respect et dignité», affirme le juge Pierre E. Audet.

Le juge a cependant estimé que les pratiques de l'Hôpital juif sont discriminatoires puisqu'elles établissent «une distinction claire fondée sur le sexe entre des personnes occupant le même poste et exerçant les mêmes fonctions».

La preuve a révélé que les distinctions entre les postes «orderly» et «nurse's aide» sont fondées davantage sur les caractéristiques personnelles attribués aux préposés de sexe masculin que sur les besoins particuliers des patients. L'idée reçue selon laquelle les hommes sont nécessairement plus fort que les femmes pour transporter des patients a joué dans l'équation. Pourtant, aucune évaluation du degré de force requis dans l'exercice des tâches, ni distinctions fondées sur la force physique n'apparaissent dans l'entente.

La clientèle de l'hôpital se caractérise par ailleurs par une grande diversité des cultures et des religions, diversité qui entraîne des demandes différentes en ce qui a trait aux soins intimes. Il n'était pas donc pas nécessaire d'ériger en norme générale, pour l'hôpital tout entier, la sexualisation des postes de préposés aux bénéficiaires.

Les libertés et droits fondamentaux des individus ne sont pas absolus, rappelle le Tribunal dans sa décision. Ils doivent s'exercer «dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec». L'Hôpital et le syndicat auraient donc dû chercher, en définitive, un accommodement... pour les préposées aux bénéficiaires.»


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)

Il s'agit de la décision Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Hôpital général juif Sir Mortimer B. Davis, 2007 QCTDP 29 (CanLII), [http://www.canlii.org/fr/qc/qctdp/doc/2007/2007qctdp29/2007qctdp29.html].

(303 paragraphes, 103 notes)



3. Lien avec les modules du cours

La Charte est présentée au module 4.
L'aaccommodement est discuté au module 17 et dans le Document IGD/89.



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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval