Les É.D.I.T.s [Explications du droit par informations et textes] consistent en notules complétant un cours d'Introduction générale au droit en regard de l’actualité canadienne et québécoise. Ce cours [DRT-1901] est offert à distance par l'Université Laval [http://www.ulaval.ca/].

Bienvenue

Le terme ÉDIT, malgré son caractère vieillot, convient à la double nature de nos messages : procéduraux et substantifs, parfois pointus, destinés, de façon pratique, à faire le lien entre le contenu du cours et l’actualité juridique canadienne et québécoise.
Le terme désignait un acte juridique du droit romain (le préteur annonçait l’organisation du procès dans un édit) ou de l’Ancien Régime (acte législatif portant sur une seule matière, ou une seule catégorie de personnes ou une partie seulement du territoire).
Ce choix évite la confusion avec les termes juridiques modernes : loi, décret, arrêt, décision, etc.

mercredi 29 février 2012

É.D.I.T./60-2012 Consommateur -- Pratiques interdites--Dommages‑intérêts compensatoires et punitifs

1. Extrait du Bulletin de nouvelles de Radio-Canada du 28 février  2012 :
«La Cour suprême condamne des pratiques commerciales de Time Inc.

La Cour suprême du Canada condamne Time Inc. à payer une somme de 15 000 dollars en dommages-intérêts punitifs à Jean-Marc Richard dans une affaire de publicité trompeuse.
L'histoire remonte à 1999, quand M. Richard avait reçu une lettre de Time Inc., l'éditeur du magazine Time. À la lecture de cette lettre, M. Richard avait l'impression d'avoir gagné un prix de 833 337 $US. Ne recevant pas son prix, l'homme avait contacté la société Time Inc., qui lui avait expliqué que les documents ne constituaient qu'une invitation à participer à une loterie publicitaire.
Jean-Marc Richard avait alors intenté une action en dommages-intérêts contre Time Inc., alléguant des violations d'obligations contractuelles ainsi que des contraventions à la Loi sur la protection du consommateur.
Dans un premier jugement, la Cour supérieure du Québec avait statué que, bien que le texte en question ne constituait pas une promesse de payer 833 337 $US, il contenait néanmoins plusieurs fausses déclarations au sens de la Loi sur la protection du consommateur et avait pour but de tromper le lecteur.
La Cour supérieure avait donc condamné Time Inc. à payer à M. Richard 1000 $ à titre de dommages moraux et 100 000 $ à titre de dommages et intérêts exemplaires. Le jugement avait ensuite été renversé en Cour d'appel, cette instance jugeant que le texte ne comportait pas de déclarations fausses ou trompeuses.
La Cour suprême valide partiellement le premier jugement
Dans son jugement rendu mardi, la Cour suprême maintient l'octroi de 1000 $ à M. Richard à titre de dommages moraux.
Quant à la condamnation relative aux dommages-intérêts punitifs, la plus haute instance du pays estime qu'elle est justifiable, mais qu'il y « a lieu de réviser le montant de 100 000 $ retenu par la juge de première instance ».
Selon la Cour suprême, « un montant de 15 000 $ suffit dans les circonstances pour assurer la fonction préventive des dommages-intérêts punitifs, souligne la gravité des violations de la loi et sanctionne la conduite de T [Time Inc. ] et TCM [Time Consumer Marketing Inc.] de manière assez sérieuse pour les inviter à abandonner les pratiques interdites qu'elles ont utilisées, si ce n'est pas déjà fait ».
Le jugement de la Cour suprême précise que le consommateur moyen, après une première lecture du document reçu par M. Richard, aurait eu l'impression générale qu'il détenait le numéro gagnant et qu'il lui suffisait de retourner le coupon-réponse pour que la procédure de réclamation puisse s'enclencher.»

2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8 (CanLII), rendue le 28 février 2012.
217 paragraphes.

3. Commentaires, questions

a) La décision retrace l’historique des dispositions relatives à la protection du consommateur (§§ 39 et ss.)
[39]                          L’avènement de la société de consommation a rendu évidentes les limites du droit commun au Québec comme dans les autres provinces canadiennes. Au Québec, le modèle de justice contractuelle fondé sur la liberté de contracter, le consensualisme et la force obligatoire du contrat apparaissait de moins en moins adapté pour assurer une réelle égalité entre commerçants et consommateurs. L’intervention du législateur québécois en ce domaine a initialement été inspirée par la recherche d’un modèle différent de justice contractuelle fondé sur un régime d’ordre public qui dérogerait aux règles traditionnelles du droit commun (voir Baudouin, p. 5).
b) On propose ensuite une méthode d’analyse pour déterminer si une représentation constitue une pratique interdite :
[46]                          La méthode d’analyse prévue à l’art. 218 L.p.c. commande l’examen de deux éléments : « l’impression générale » donnée par une représentation, ainsi que le « sens littéral » des termes qui y sont employés [...]
c) Aux §§ 65 et ss. on anlyse le  le critère du consommateur moyen :
71]                          Ainsi, le concept du « consommateur moyen » n’évoque pas, en droit québécois de la consommation, la notion de personne raisonnablement prudente et diligente. Il renvoie encore moins à la notion de personne avertie. Afin de réaliser les objectifs de la L.p.c., les tribunaux considèrent que le consommateur moyen n’est pas particulièrement aguerri pour déceler les faussetés ou les subtilités dans une représentation commerciale.
d) La Cour examine ensuite la nature et les modalités d’exercice du recours prévu à l’ a. 272 LPC: §§ 90 et ss. Tout ce dévelopepement appllique la complémentarité des recours contractuels et statutaires. On étudie l’application de la notion de  dommages-intérêts compensatoires (§§ 125 et ss.) et punitifs (§§ 143 et ss.)
Conclusion : un arrêt incontournable pour l’interprétation de la LPC.


4. Lien avec les modules du cours
La notion de dommages-intérêts est abordé avec le responsabilité civile au Module 3.
La Loi sur la protection du consommateur est  présentée au Module 4.
Le commerce en général fait l’objet du Module 13.

vendredi 17 février 2012

É.D.I.T./59-2012 Conscience et religion vs Cours Éthique et culture religieuse

             

1. Extrait du bulletin de nouvelles de Radio-Canada du 17 février 2012 :

«Cours d'éthique et culture religieuse : la Cour suprême refuse d'accorder l'exemption

Les parents de Drummondville qui demandaient que leurs enfants soient exemptés du cours d'éthique et culture religieuse (ÉCR) ont perdu leur cause devant la Cour suprême du Canada.
Le plus haut tribunal du pays conclut que les plaignants « n'ont pas fait la preuve que le programme ÉCR portait atteinte à leur liberté de religion ni, par conséquent, que le refus de la commission scolaire d'exempter leurs enfants du cours ÉCR contrevenait à leur droit constitutionnel ».
Les parents, ajoutent les juges, « n'ont également démontré aucune erreur justifiant d'écarter la conclusion du juge de première instance selon laquelle la décision de la commission scolaire n'avait pas été prise sous la dictée d'un tiers. »
Les parents et la Commission scolaire des Chênes demandaient que leur enfant soit exempté de ce cours, tentent de faire infirmer la décision rendue en 2009 par la Cour supérieure du Québec. Cette dernière avait jugé que le cours ne contrevenait pas à la Charte des droits et libertés de la personne en matière de liberté de conscience et de religion.
Plus de détails à venir sur ce jugement.
De la liberte de conscience et de religion
Selon la Coalition pour la liberté en éducation, 2000 autres parents se sont vu refuser une demande d'exemption à ce cours pour leur enfant. Lors de la mise en place du programme en 2008, le ministère de l'Éducation avait annoncé publiquement qu'il n'y aurait pas d'exemptions.
Dans son jugement, le juge de la Cour supérieure, Jean-Guy Dubois, écrivait à l'époque que « le tribunal ne voit pas comment le cours d'éthique et de culture religieuse brime la liberté de conscience et de religion des demandeurs pour les enfants, alors que l'on fait une présentation globale de diverses religions sans obliger les enfants à y adhérer ».


2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision S.L. c. Commission scolaire des Chênes, 2012 CSC 7 (CanLII).
Rendue le 17 février 2012. Unanime. 59 paragraphes

3. Commentaires, questions

Cette décision a une valeur récapitulative et pédagogique (sans jeu de mot) sur la délicate question de la religion à l’école et, plus généralement, dans la société :
[10]                          La place de la religion dans la vie civile est source de débats publics depuis les débuts des civilisations. La dissolution progressive des liens entre l’Église et l’État au Canada s’inscrit dans un large mouvement de laïcisation des institutions publiques dans les pays occidentaux (M. H. Ogilvie,Religious Institutions and the Law in Canada (3e éd. 2010), p. 26 et 30; voir également Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c. Lafontaine (Village), 2004 CSC 48 (CanLII), 2004 CSC 48, [2004] 2 R.C.S. 650, par. 67-68, le juge LeBel). En effet, la neutralité religieuse est maintenant perçue par de nombreux États occidentaux comme une façon légitime d’aménager un espace de liberté dans lequel les citoyens de diverses croyances peuvent exercer leurs droits individuels (voir J. Woehrling, « La place de la religion dans les écoles publiques du Québec » (2007), 41 R.J.T. 651; D. Grimm,  « Conflicts Between General Laws and Religious Norms » (2009), 30 Cardozo L. Rev. 2369).
[17]                          Le contexte historique, politique et social de la fin du XXe siècle, l’adoption des Chartes québécoise et canadienne et l’interprétation de la liberté de religion par les tribunaux canadiens ont joué un rôle important dans la décision de l’État québécois de demeurer neutre en matière religieuse. S’il est vrai que, à la différence de la Constitution américaine, la Charte canadienne ne limite pas explicitement l’appui que l’État peut apporter à une religion, les cours canadiennes ont néanmoins jugé que le parrainage par l’État d’une tradition religieuse est discriminatoire à l’égard des autres.
Les §§ 22 et 23 exigent une preuve de l,atteinte aux droits.
[27]                          Pour s’acquitter de leur fardeau à l’étape de la preuve de l’atteinte, les appelants devaient démontrer que le programme ÉCR constituait, objectivement, une entrave à leur capacité de transmettre leur foi à leurs enfants. Ce n’est pas l’approche qu’ils ont adoptée. Ils ont plutôt prétendu qu’il leur suffisait d’affirmer que le programme portait atteinte à leur droit (m.a., par. 126). Comme je l’ai expliqué ci-dessus, l’affirmation des appelants que des motifs religieux sont à l’origine de leur objection à la participation de leurs enfants au cours ÉCR ne suffit pas. C’est donc à bon droit que le juge Dubois de la Cour supérieure a rejeté cette interprétation. Il s’est exprimé ainsi : « Il n’est pas tout de dire avec sincérité qu’on est catholique pratiquant pour prétendre qu’une présentation globale de différentes religions puisse nuire à celle que l’on pratique (par. 51). »

[40]                          Les parents qui le désirent sont libres de transmettre à leurs enfants leurs croyances personnelles. Cependant, l’exposition précoce des enfants à des réalités autres que celles qu’ils vivent dans leur environnement familial immédiat constitue un fait de la vie en société.  Suggérer que le fait même d’exposer des enfants à différents faits religieux porte atteinte à la liberté de religion de ceux-ci ou de leurs parents revient à rejeter la réalité multiculturelle de la société canadienne et méconnaître les obligations de l’État québécois en matière d’éducation publique. Bien qu’une telle exposition puisse être source de frictions, elle ne constitue pas en soi une atteinte à l’al. 2a) de la Charte canadienne et à l’art. 3 de la Charte québécoise.


4. Lien avec les modules du cours

Les questions relatives à l’éducation et à la religion sont abordées au Module 10.  
La Charte canadienne fait l’objet d’une brève présentation au Module 4.
Sur le caractère du droit Modules 1 et 5 :
[31]                          Il faut aussi accepter que, d’un point de vue philosophique, la neutralité absolue n’existe pas. Quoi qu’il en soit, l’absolu est une notion dont s’accommode difficilement le droit.

dimanche 12 février 2012

É.D.I.T./58-2012 Bande riveraine: fin des droits acquis


1. Extrait du journal Le Devoir  du 8 février 2012 :
« Protéger les rives ne brime pas les droits des riverains/Louis-Gilles Francoeur
La Cour suprême du Canada vient de confirmer la fin des droits acquis en matière d'utilisation néfaste des bandes riveraines et, du même coup, la validité du droit des municipalités d'imposer des normes de protection dans cette portion de la rive en plus de pouvoir exiger sa remise en état .Le plus haut tribunal du pays n'a pas rendu un arrêt lui-même sur cette question. Mais il a refusé au début de la dernière fin de semaine d'entendre en appel la requête d'un groupe de riverains du lac Saint-Charles, en banlieue de Québec, qui voulaient faire casser le verdict rendu par la Cour d'appel du Québec le 22 juin dernier. La Cour d'appel confirmait alors un jugement rendu par la Cour supérieure en 2010, qui reconnaissait aux municipalités le pouvoir d'imposer des règles d'usage dans la bande riveraine d'un cours d'eau sans que cela puisse être considéré comme une expropriation d'un bien privé.
C'est la Ville de Québec qui avait imposé des règles d'usage dans la bande riveraine du lac Saint-Charles, qui lui sert de réserve d'eau potable. Les citoyens contestaient son règlement, estimant qu'il équivalait à confisquer leur bien-fonds et limitait abusivement l'usage de leur propriété. Pour la Cour d'appel, les règles édictées dans ce domaine équivalent plutôt à exiger des citoyens qu'ils assument la responsabilité sociale qu'impose la proximité d'un bien commun et patrimonial comme un cours d'eau.
Le règlement de Québec imposait de restaurer la berge sur une profondeur allant de 10 à 30 mètres. Le jugement de la Cour d'appel, entériné par la Cour suprême, confirme ainsi les nouveaux pouvoirs des villes plus globalement en matière d'environnement, ce qui implique qu'elles peuvent sans expropriation ou compensation financière limiter tout autant les usages dans des boisés ou dans d'autres écosystèmes jugés sensibles ou d'intérêt public.»

2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de l’affaire Hubert Wallot et autres c. Ville de Québec,  Dossier 34440 CSC
La demande d’autorisation d’appel est rejetée avec dépens en faveur de l’intimée Ville de Québec.
Cela confirme donc la décision de la Cour d’appel : Wallot c. Québec (Ville de), 2011 QCCA 1165 (CanLII) qui établit le droit sur cette question.

Exposé de la question posée à la Cour suprême :
Droit municipal — Règlements — Environnement — Eau — Est‑ce que l’importance de l’objectif visé par un pouvoir réglementaire justifie une municipalité d’exercer ce pouvoir de manière à déposséder un citoyen canadien de la jouissance raisonnable de sa propriété, sans indemnité? — Est‑ce qu’une municipalité peut, par l’exercice d’un pouvoir réglementaire, s’approprier un intérêt bénéficiaire sur la propriété d’un citoyen sans verser une indemnité à celui‑ci alors qu’elle n’y est pas spécifiquement autorisée par la loi? — Loi sur les compétences municipales, L.R.Q., ch. C‑47.1.

La rivière Saint‑Charles et le lac du même nom sont les principales sources d'approvisionnement en eau potable des résidants de la grande région urbaine de la Ville de Québec.  Informée en octobre 2006 de la prolifération de cyanobactéries dans certaines parties du lac, la Ville intimée doit prendre les actions qui s'imposent afin de contrer ce fléau.  Malgré certaines mesures mises en place, la condition de l’eau continue à se détériorer.  Prenant en considération l’opinion d’experts et une étude limnologique consacrée à la qualité de l’eau du haut bassin de la rivière Saint‑Charles, la Ville apprend que la déforestation des rives du lac est l’une des causes de la détérioration de celui‑ci.  Ainsi le 3 juin 2008, la Ville adopte le Règlement de l'agglomération sur la renaturalisation des berges du lac Saint‑Charles, R.A.V.Q. 301.  Certains articles de ce règlement obligent notamment les propriétaires riverains, au nom de la protection de l'eau potable et de la préservation des berges, à aménager sur leur propriété une bande riveraine permanente composée d'un amalgame d'arbres, d'arbustes et de plantes herbacées sur une largeur variant de 10 à 15 mètres selon la configuration des lieux.

Les demandeurs, tous trois propriétaires riverains visés par le règlement 301, demandent à la Cour supérieure de déclarer nul et inopposable le règlement à leur égard.  Par leur recours, les demandeurs ne contestent pas les conclusions des différents experts quant à la situation préoccupante de la qualité de l’eau du lac Saint‑Charles.  Ils ne nient pas non plus l’efficacité et la nécessité des moyens mis de l’avant par la Ville dans son règlement. Ils prétendent cependant que l'implantation de la bande de végétation leur fait perdre l'usage efficient de leur propriété et que le règlement équivaut à une confiscation de leur bien‑fonds ou à une expropriation déguisée sans compensation.


3. Commentaires, questions
Commentaire LGF sur la décision de la CA :
Extrait du journal Le Devoir du 22 juin 2011  (abrégé par dl pour éviter la redondance avec le résumé des questions ci-dessus préseneté au par. 2)
«Bande riveraine: fin des droits acquis /Louis-Gilles Francoeur
La Cour d'appel du Québec confirme que les municipalités ont non seulement le pouvoir d'imposer des normes de protection de la bande riveraine autour des lacs et en bordure des cours d'eau, mais qu'elles ont aussi le droit d'imposer aux propriétaires la remise en état cette portion de la berge, mettant fin à un prétendu régime de droits acquis que plusieurs maires invoquaient pour justifier leur inaction dans ce domaine. La Cour d'appel confirme donc un jugement rendu par la Cour supérieure en avril 2010 qui donnait raison à la Ville de Québec contre un groupe de résidants du lac Saint-Charles. [...]
Nature Québec, le Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE) ainsi que le groupe Écojustice de l'Université d'Ottawa ont immédiatement réagi hier en saluant ce verdict, qui constitue un des percées les plus importantes depuis une décennie en matière de droit environnemental puisqu'il confirme le pouvoir des municipalités de protéger leurs cours d'eau et d'imposer des règles pouvant aller au-delà des exigences de la réglementation ou des politiques provinciales.
[...]
Pérennité de la ressource
Pour les juges Doyon, Dutil et Gagnon, la Loi sur la qualité de l'environnement s'applique autant à Québec qu'aux organismes publics sous sa responsabilité, surtout quand le gouvernement adopte une politique de protection riveraine d'application universelle. De plus, ajoutent les trois magistrats dans un paragraphe qui sera souvent cité, la Loi sur le développement durable «prévoit que la protection de l'environnement fait partie du processus de développement durable et que l'ensemble des activités humaines doit être respectueux de la capacité de support des écosystèmes, d'où la nécessité d'en assurer la pérennité».
Et la Loi sur les ressources en eau, écrivent-ils, même si elle a été adoptée ultérieurement, fait néanmoins obligation à quiconque de prévenir ou de limiter toute atteinte à cette richesse collective que sont les cours d'eau.
Enfin, la Cour d'appel tranche que les riverains ne perdent ni leur droit de propriété ou l'usage exclusif de leur bande riveraine, même s'il est vrai que cet usage est restreint par la nécessité d'y laisser la nature se réimplanter avec une végétation complète. Quant aux villes, depuis l'adoption de la Loi sur les compétences municipales, elles ont le droit d'exercer «efficacement la plénitude» de cette nouvelle compétence en environnement. Enfin, la Charte de Québec accorde à cette ville à son article 147 le pouvoir de protéger ses sources d'approvisionnement en eau même sur le territoire d'une de ses voisines, ce qu'elle a fait sans exproprier quiconque, tranche le tribunal.
Ce dernier réfute par ailleurs l'argument des requérants qui prétendaient ne plus avoir même droit à une «fenêtre sur le lac», ce qui est faux, selon les trois juges, car la réglementation permet à chacun d'avoir une fenêtre de 10 mètres et des accès au lac sur au moins 4 mètres, ce qui autorise des aménagements et des usages multiples qui sont tout le contraire d'une expropriation déguisée, conclut le tribunal.»

4. Lien avec les modules du cours
La Loi sur la qualité de l’environnement  (LQE) est brièvement présentée au Module 4.
Le droit municipal est présenté au Module 9.
La droit de l’environnement et du développement durable (EDD) fait l’objet Module 22, nouveau, disponible en mars 2012.

É.D.I.T./57-2012 Secret industriel--Accès à l'information--Publication de certains documents censurés


1. Extrait du bulletin de nouvelles de Radio-Canada du 3 février 2012:
«Secret industriel : la Cour suprême donne raison à Santé Canada dans un litige contre Merck Frosst
La Cour suprême du Canada a rendu vendredi une importante décision à propos de ce qui constitue un secret industriel en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Son jugement, partagé à six voix contre trois, penche en faveur d'une plus grande ouverture de la part des entreprises qui comptent sur les exemptions prévues à la loi pour retenir de l'information délicate dont la divulgation pourrait nuire à leurs affaires.

La Cour suprême a ainsi tranché le litige qui opposait Santé Canada à la société pharmaceutique Merck Frosst Canada depuis plus de 10 ans.
Tout a commencé lorsqu'une personne non identifiée a demandé d'avoir accès à la correspondance entre la compagnie et le ministère au sujet de l'approbation d'un médicament pour l'asthme.

Santé Canada a rendu publics certains documents censurés portant sur ce médicament sans en avertir la compagnie. Une première décision rendue en Cour fédérale avait donné raison à Merck Frosst en stipulant que le ministère fédéral avait contrevenu à l'esprit de la loi.
Santé Canada et Merck Frosst se sont par la suite retrouvés devant la Cour d'appel fédérale, qui a appuyé la décision du gouvernement de rendre publics ces documents.
Vendredi, la Cour suprême a jugé que la compagnie n'avait pas réussi à justifier le fait de garder certains documents secrets.

Il s'agit de la première décision du plus haut tribunal du pays concernant les exemptions inscrites dans l'article 20 de la Loi sur l'accès à l'information. Celles-ci permettent au gouvernement de garder secrets des documents s'ils contiennent des « secrets industriels » dont la divulgation risquerait d'engendrer des pertes pour l'entreprise ou de nuire à sa compétitivité.

Dans la décision, le juge Thomas Cromwell écrit que Santé Canada aurait dû consulter la compagnie avant de rendre les documents publics, mais ajoute que le fait de les rendre publics ne porte pas préjudice à l'entreprise.
Le jugement souligne que les entreprises devraient s'entendre avec le gouvernement afin de déterminer ce qui constitue ou non un secret industriel qui devrait être couvert par la loi.»

2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3 (CanLII)
Attention, il y a dissidence   JUGEMENT §§1 à 242 DISSIDENTS §§ 243 à 265.

3. Commentaires, questions
§ 4 du jugement :
[4] La Loi [ndlr :Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1] établit le juste équilibre entre des objectifs parfois contradictoires, à savoir encourager la communication de l’information tout en protégeant les intérêts des tiers.  Bien que la Loi oblige les institutions fédérales à divulguer une grande partie de leurs renseignements, elle soustrait à la divulgation certains types de renseignements provenant de tiers, tels les secrets industriels et les renseignements dont la divulgation pourrait causer un préjudice économique à un tiers.  Elle accorde aussi aux tiers des garanties procédurales.  Les présents pourvois portent sur la façon dont l’équilibre établi par la législation entre la divulgation de renseignements et la protection des tiers doit se refléter dans l’interprétation et l’application de celle‑ci.

La Cour entreprend à partir du §96 une longue études des diverses exceptions prévus par la Loi. Ces interprétations pourront évidemment servir de balises dans d’autre affaires à intervenir.

4. Lien avec les modules du cours
La question de l’accès à l’information est abordée au Module 11.  

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Québec, (Québec), Canada
Avocat au Barreau de Québec, Chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université Laval