1.Extrait du bulletin de nouvelles de Radio-Canada du 3 novembre 2010 :
«Décision importante pour les conjoints de faitLola peut crier victoire, mais pas complètement.
Dans un jugement très attendu et lourd de conséquences pour les couples conjoints de fait au Québec, la Cour d'appel de la province donne en partie raison à Lola mercredi. Cette mère de trois enfants réclamait à la fois une pension alimentaire pour elle-même et l'accès au patrimoine considérable de son ex-partenaire de vie.
Dans son jugement, la Cour d'appel statue que Lola peut effectivement obtenir, de son ex-conjoint, une pension alimentaire pour elle-même. Le jugement invalide de ce fait un article du Code civil du Québec, l'article 585, en vertu duquel des conjoints de fait ne peuvent réclamer une pension alimentaire pour eux-mêmes en cas de rupture. Pour les juges de la Cour d'appel, cet article est inconstitutionnel et contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés.
Cependant, cette décision du tribunal n'aura pas d'effets immédiats, puisque cette invalidation de l'article du Code civil est suspendue pour un an. Le temps, en fait, de laisser au gouvernement du Québec le soin de réviser ses positions sur cette question qui touche 1,2 million de Québécois.
34,6 % des couples du Québec vivent en situation d'union de fait.
En 2002, au Québec, 60 % des enfants naissaient hors mariage.
En guise de comparaison, au Canada, moins de 20 % des couples vivent en union de fait.
Rappelons que Lola avait été déboutée en Cour supérieure du Québec en juillet 2009. L'ex-conjointe d'un milliardaire québécois avait par la suite porté sa cause en appel.»
2. Précisions juridiques (référence contexte etc)
Il s'agit de la décision Droit de la famille — 102866, 2010 QCCA 1978 (CanLII) rendue le 3 novembre 2010.(203 paragraphes).
http://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2010/2010qcca1978/2010qcca1978.html
Le juge Beauregard concourt à la majorité mais propose une façon différente de régler le problème (§164 et ss.).
Résumé de Soquij : L'omission du législateur québécois d'inclure les conjoints de fait à l'article 585 C.C.Q., qui traite de l'obligation alimentaire, crée une distinction discriminatoire entre ces derniers et les conjoints mariés ou unis civilement qui n'est pas justifiée en vertu de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés; la réparation appropriée est une déclaration d'invalidité de l'article 585 C.C.Q., laquelle sera toutefois suspendue pour une période de 12 mois.
3. Commentaires, questions
3.0 HistoriqueEn 2009, cette affaire très médiatisée, en raison des montants élevés
en cause, avait rappelé que les conjoints de fait ne bénéficient pas des
effets du mariage : Droit de la famille — 091768, 2009 QCCS 3210
(CanLII),
[http://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2009/2009qccs3210/2009qccs321
0.html]. Le jugement (333 paragraphes) résumait parfaitement et complètement l’état du droit québécois au mois de juillet 2009.
3.1 Le jugement de la Cour d’appel porte essentiellement sur la pension alimentaire, que le Code, à l’article 585, appelle des aliments.
3.2 Il est important de ne pas conclure que les conjoints de fait se retrouvent à tous égards sur le même pied que les conjoints mariés. En effet d’autres aspects ne sont nullement altérés : l’absence du droit de succéder, de partager le patrimoine familial et les autres biens régis par le régime matrimonial.
3.3 L’application du jugement est suspendue pour un an, afin de permettre au législateur de faire les modifications nécessaires.
3.4 Un problème de taille : celui de la durée minimale nécessaire de cohabitation pour sceller le droit aux aliments; dans le mariage, le droit aux aliments est acquis au premier jour. Le législateur devra choisir un délai, sans doute en profitera-t-il pour uniformiser les délais dans les quelque 25 lois statutaires qui reconnaissent les conjoints de fait.
3.5 Sociologie du droit : 1 000 000 de personnes, 35% des couples.
60% des enfants (mais rappelons que les enfants ont, depuis 1970, les mêmes droits que leurs parent soient mariés ou pas).
3.6 Certains ont évoqué que le législateur s’en remettre à une entente entre les futurs conjoints (il existe déjà des contrats de vie commune). À notre avis, cette voie ne respecterait pas les nouvelles perspectives ouvertes par le jugement.
3.7 Enfin rappelons que le droit de demander une pension n’implique pas qu’on va la recevoir. On va appliquer ici les règles du divorce et d’autres situations, en tenant compte des besoins et des ressources.